Catégories
Droit du travail

Cour d’appel de Paris, Pôle 6 chambre 6, 4 décembre 2024, n° 21/05665

Arguments

Le contenu a été généré à l’aide de l’intelligence artificielle. Pensez à vérifier son exactitude.

Signaler une erreur.

  • Accepté – Existence de manquements de l’employeur
    La cour a constaté que les manquements de l’employeur étaient établis et justifiaient la requalification de la démission en prise d’acte.
  • Accepté – Licenciement nul en raison de harcèlement moral
    La cour a jugé que la prise d’acte produisait les effets d’un licenciement nul, entraînant le droit à une indemnité.
  • Accepté – Comportement fautif de l’employeur
    La cour a reconnu le comportement fautif de l’employeur et a accordé des dommages-intérêts pour réparer le préjudice subi.
  • Accepté – Droit à l’indemnité de licenciement
    La cour a jugé que la salariée avait droit à l’indemnité de licenciement en raison de la requalification de sa démission.
  • Accepté – Remboursement des indemnités de chômage
    La cour a ordonné le remboursement des indemnités de chômage en raison de la nullité du licenciement.
  • Accepté – Droit aux frais irrépétibles
    La cour a accordé des frais irrépétibles à la salariée, considérant qu’elle avait succombé dans ses demandes.

Sur la décision

Référence :
Juridiction :Cour d’appel de Paris
Numéro(s) :21/05665
Importance :Inédit
Décision précédente :Conseil de prud’hommes d’Évry, 3 juin 2021
Dispositif :Autre
Date de dernière mise à jour :12 avril 2025
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Avocat(s) :

Claire MATHURIN

Catherine SCHLEEF

Texte intégral

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 04 DECEMBRE 2024

(n°2024/ , 2 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/05665 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD5LG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Juin 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’EVRY – RG n°

APPELANTE

Madame [E] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Catherine SCHLEEF, avocat au barreau de PARIS, toque : C1909

INTIMEE

Fondation DIACONESSES DE REUILLY Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Claire MATHURIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0066

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane THERME, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et de la formation

Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Gisèle MBOLLO

ARRET :

— Contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et par Gisèle MBOLLO, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

La fondation Diaconesses de Reuilly a engagé Mme [E] [Z] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 janvier 2017 en qualité d’employée administrative, pour une durée hebdomadaire de 8,75 heures.

Par avenant du 07 février 2019, Mme [Z] est devenue secrétaire de direction, à temps plein.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l’hospitalisation privée à but non lucratif.

La fondation Diaconesses occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Par lettre notifiée le 13 octobre 2020, Mme [Z] a notifié sa démission à son employeur.

Par requête parvenue au greffe le 26 novembre 2020, Mme [Z] a saisi le conseil de prud’hommes d’Evry-Courcouronnes pour voir requalifier sa démission en prise d’acte et former des demandes de dommages-intérêts.

Par jugement du 3 juin 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes a rendu la décision suivante :

«REJETTE la demande de requalification de la démission de Mme [Z] en prise d’acte de la rupture aux torts de son employeur,

DEBOUTE Mme [Z] de l’intégralité de ses demandes,

NE FAIT PAS DROIT à la demande à titre reconventionnel de la Fondation Diaconesse de Reuilly sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

LAISSE à chaque partie la charge de ses éventuels dépens. »

Mme [Z] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 26 juin 2021.

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 14 février 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l’exposé des moyens, Mme [Z] demande à la cour de :

«- INFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et par conséquence,

— DIRE ET JUGER Madame [Z] recevable et bien fondée en ses demandes,

— REQUALIFIER la démission en prise d’acte de rupture aux torts de l’employeur produisant les effets d’un licenciement nul et /ou sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

— CONDAMNER la fondation Diaconesses de REUILLY au paiement de la somme de 11 949,36 € pour licenciement nul et / ou sans cause réelle et sérieuse,

— CONDAMNER la fondation Diaconesses REUILLY au paiement la somme de 11 949,36 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

— CONDAMNER la fondation Diaconesses REUILLY au paiement la somme de 1 867,09 € à titre d’indemnité de licenciement,

— CONDAMNER la fondation Diaconesses REUILLY à payer la somme de 1 000 € pour remise tardive de document conforme de fin de contrat,

— DIRE que l’ensemble des condamnations seront assorties de l’intérêt légal à compter de la présente requête et ordonner la capitalisation des intérêts,

— CONDAMNER la fondation Diaconesses REUILLY au paiement de la somme de 2 000 € à titre d’article 700 du CPC,

— CONDAMNER la fondation Diaconesses de REUILLY aux entiers dépens »

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 29 octobre 2021, auxquelles la cour se réfère expressément pour l’exposé des moyens, la fondation Diaconesses de Reuilly demande à la cour de :

« 1) A titre principal :

— Confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes d’Evry-Courcouronnes en ce qu’il a débouté Madame [Z] de l’intégralité de ses demandes.

Par conséquent,

— Juger que la démission de Madame [Z] ne peut être requalifiée en prise d’acte de rupture aux torts de la Fondation ;

— Débouter Madame [Z] de l’intégralité de ses demandes liées à la rupture du contrat de travail.

2) A titre subsidiaire :

— Limiter le montant de l’indemnité légale de licenciement à la somme de 1 120,25 € ;

— Limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 5 974,68 € ;

3) En tout état de cause :

— Débouter Madame [Z] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail ;

— Débouter Madame [Z] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la remise tardive des documents de fin de contrat ;

— Condamner Madame [Z] à la somme de 2 000 euros au titre de de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance. »

L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 juillet 2024.

MOTIFS

Sur la requalification de la démission

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur et lorsqu’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, le juge doit l’analyser en une prise d’acte qui produit les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d’une démission.

La lettre de démission du 13 octobre 2020 a pour objet ‘Lettre de démission remise en main propre’. Elle indique : ‘Madame, je vous informe par la présente de mon intention de quitter le poste de secrétaire de direction que j’occupe depuis le 16 janvier 2017, au sein de la Fondation Diaconesses de Reuilly. La période de préavis me conduit à quitter le SAI le jeudi 12 novembre 2020. Je vous demanderai de bien vouloir prévoir, pour cette date la remise d’un reçu pour solde de tout compte, un certificat de travail ainsi qu’une attestation Pôle emploi.’

Cette lettre a été précédée d’un mail adressé le 12 octobre par Mme [Z] à un responsable de la fondation Diaconesses de Reuilly dans lequel elle indique avoir fait part de sa démission à [W], qu’elle déposera par courrier le lendemain, et poursuit ‘En ce qui concerne le préavis, il me paraît assez complexe de le réaliser au sein du SAI au vu de ce qu’il s’y est passé, [W] me conseille, notamment de le faire perdurer jusqu’à la fin de celui-ci, mon médecin ne souhaite pas non plus prolonger l’arrêt. Me confirmez vous que je dois retourner au SAI le lundi 19 octobre à 9h auprès de Mme [J] ‘ Je reste à votre disposition pour en disuter, si vous le souhaitez.’

Un échange de messages entre Mme [Z] et la responsable des ressources humaines, Mme [W] [X], fait référence à un accord pour que le préavis soit effectué par la salariée à son domicile et qu’il soit rémunéré. Cette liste de messages a été transférée par Mme [Z] au responsable de la fondation Diaconesses de Reuilly, qui lui a répondu ‘Merci de finaliser avec Mme [X] les modalités techniques de votre démission. Soyez assurée que nous mettons tout en oeuvre pour que votre départ se passe dans les meilleures conditions et qu’il n’y aura aucune ‘mauvaise surprise’ pour vous. Je peux comprendre vos questionnements mais je vous demande aussi un minimum de confiance réciproque dans nos intentions.’

Mme [Z] a fait l’objet d’un avertissement le 25 septembre 2019, qu’elle a contesté par un courrier du 06 octobre suivant dans lequel elle a demandé un entretien avec la directrice des ressources humaines, auquel elle souhaitait être accompagnée d’un représentant du personnel. L’avocat de Mme [Z] a ensuite écrit à la directrice des ressources humaines le 25 octobre 2019, pour signaler plusieurs comportements subis par Mme [Z] et indique ‘qu’elle se voit harcelée et accusée de tous les maux’.

Le 25 octobre 2020, Mme [Z] a adressé un mail à une autre salariée de la fondation Diaconesses de Reuilly, dans lequel elle fait part de sa démission et l’explique par les difficultés nombreuses et son incompréhension quant à l’absence de réaction des dirigeants et de différentes instances.

Il résulte de ces éléments que la démission de Mme [Z] est équivoque et doit ainsi être requalifiée en prise d’acte.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

La prise d’acte de la rupture du contrat de travail est l’acte par lequel le salarié met un terme à son contrat de travail en raison de manquements qu’il impute à son employeur. Si les manquements sont établis et justifiaient la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d’un licenciement nul, à défaut elle produit les effets d’une démission.

La charge de la preuve des manquements incombe au salarié.

La juridiction doit se prononcer sur l’ensemble des griefs invoqués par le salarié.

Mme [Z] fait valoir qu’elle a subi un harcèlement moral et que l’employeur a manqué à ses obligations de sécurité et de prévention du harcèlement moral.

Sur le harcèlement moral

L’article 1152-1 du code du travail dispose que :

‘Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.’

En application de l’article L. 1154-1 du code du travail il incombe au salarié qui l’invoque de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Dans cette hypothèse, il incombera à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [Z] expose avoir subi les faits suivants à compter de l’arrivée de Mme [J]:

— elle a rencontré une surcharge de travail, sa supérieure, Mme [J], lui confiant des tâches de plus en plus importantes, venait la solliciter dans son bureau très régulièrement, tout en critiquant ses interventions ;

— elle était isolée des autres salariés ;

— elle subissait une différence de traitement : sur l’octroi de ses jours de congés, sur la nécéssité d’adresser des justificatifs de sa situation, sur les remarques quant à ses horaires et ses temps de pause qui lui étaient faites alors qu’elles n’étaient pas exprimées pour les autres.

Ces faits sont établis par les attestations concordantes et circonstanciées de M. [H], qui a accompli un stage dans le service, de Mme [C], qui a été recrutée comme secrétaire comptable et a travaillé quelques temps dans le même bureau que Mme [Z], et celle de M. [M] qui était ‘homme d’entretien’. Ce dernier précise qu’il a participé au déménagement des bureaux comme cela avait été indiqué par Mme [J], qui a ensuite contesté celui-ci . Ces témoins font état des critiques vives qui étaient adressées à Mme [Z] par Mme [J] devant les autres personnes présentes.

La représentante du personnel qui a assisté Mme [Z] lors de plusieurs entretiens indique qu’une note de service fixait des horaires limités qui étaient ouverts aux autres salariés pour solliciter Mme [Z] : les mardi et jeudi de 14h à 16h. Cette personne indique avoir constaté une dégradation progressive de la situation de Mme [Z].

Mme [Z] explique avoir fait l’objet d’un avertissement le 25 septembre 2019 et produit la lettre de deux pages qui lui reproche des carences dans la réalisation de ses tâches, des tensions avec les autres membres de la structure, la remise en cause d’un chef de service et un comportement irrespectueux pour avoir jeté un document sur le bureau de celui-ci. Elle l’a contesté par un courrier circonstancié auquel était jointe une lettre circulaire indiquant une absence de comportement inapproprié de sa part qui est signée par plusieurs salariés.

Mme [Z] a demandé un entretien avec la directrice des ressources humaines, directrice qui a ensuite été saisie par son avocat.

Dans un courrier adressé à Mme [Z] le 13 décembre 2019, la directrice des ressources humaines a formalisé un compte-rendu de l’entretien qu’elles avaient eu le 27 novembre 2019. Elle y reprend l’historique de son poste, l’évolution de l’organisation de l’activité, l’apparition d’un climat tendu et les mesures envisagées pour l’avenir, notamment l’établissement d’une fiche de poste. Le courrier se termine par ‘Après notre échange, vous m’avez indiqué que vous aviez ressenti le besoin de trouver un lieu qui vous permettait d’exprimer votre ‘mal-être’. En revanche, nous avons tous convenus à l’issue de notre échange, du fait qu’il n’y avait pas de situation de harcèlement/discrimination nécessitant de diligenter une enquête.

Nous restons néanmoins sensibles au climat social du SAI et prendrons toutes les mesures avec votre directrice afin que chacun puisse trouver sa place et converger vers une organisation optimale adaptée à la prise en charge des enfants.’

La représentante du personnel qui assistait Mme [Z] lors de cet entretien a établi un courrier dans lequel elle reprend les termes de la directrice relatifs à l’absence de harcèlement ou de discrimination et poursuit son propos par :’j’indique ne pas avoir ni convenu, ni entendu aucune des personnes en présence dire que ce qu’avait rapporté Mme [Z] lors de cet entretien ne constituait pas une situation de harcèlement ou de discrimination.’

Par mail du 31 janvier 2020, Mme [Z] a indiqué que les heures supplémentaires qu’elle avait effectuées en 2019 ne lui avaient pas été payées sur son salaire de janvier, malgré un message de sa part en ce sens, ainsi qu’un remboursement de frais.

Une enquête a été diligentée par la fondation Diaconesses de Reuilly, confiée à une commission composée de membres du CSE. Mme [Z] a été entendue au cours de celle-ci, puis a reçu un courrier daté du 27 février 2020 qui lui a indiqué ‘A l’issue de cette commission d’enquête, les membres de la commission concluent qu’aucun fait de harcèlement moral n’est caractérisé. Pour autant, les membres de la commission ont été particulièrement attentifs à la situation de mal-être que vous exprimez sur votre poste actuel de travail et ont souhaité faire part de préconisations à l’employeur pour faire évoluer cette situation. C’est pourquoi je vous invite à reprendre contact avec Mme [X] afin de convenir d’un rendez-vous nous permettant d’envisager parallèlement deux recommandations de la commission d’enquête :

— les modalités d’un accompagnement spécifique afin d’améliorer votre environnement de travail pour une reprise de fonctions sur votre poste de travail actuel,

— les opportunités de mobilité sur d’autres postes de la Fondation.’

Un poste à temps partiel a ensuite été proposé à Mme [Z] par la responsable des ressources humaines, sur un site éloigné de son domicile, motifs pour lesquels il a été refusé.

Mme [Z] justifie par le courrier d’une autre salariée qu’au moment du confinement du printemps 2020 elle n’a été mise en télétravail que tardivement, contrairement à d’autres salariés. Elle indique qu’elle ne disposait pas d’un téléphone ou d’un ordinateur portable professionnel pour accomplir ses tâches.

Mme [Z] a fait l’objet d’arrêts de travail successifs à compter du 16 juin jusqu’au 16 octobre 2020. Elle produit l’attestation de son médecin traitant qui indique une symptomatologie dépressive depuis plusieurs mois et une attestation de suivi psychologique.

Mme [C] atteste des répercussions du comportement de leur supérieure hiérarchique directe sur l’état de santé de Mme [Z], qui était ‘stressée, déprimée et isolée’. Après l’enquête qui a été diligentée par l’employeur, ce témoin a établi un complément à son attestation dans lequel elle conteste le sérieux et l’impartialité de l’enquête et précise ‘Mme [J] ne voulait plus de Mme [Z], elle cherchait à la faire démissionner.’ Elle ajoute:

— qu’elle-même pouvait prendre des pauses sans subir de remarque de Mme [J], à la différence de Mme [Z],

— que Mme [Z] a fini par obtenir deux jours de télétravail alors que les autres assistantes étaient en télétravail complet.

Lors de la visite de reprise du 19 octobre 2020 le médecin du travail n’a pas mentionné d’avis, indiquant dans le document ‘pas de conclusion professionnelle’.

Pris dans leur ensemble, les éléments de fait présentés par Mme [Z] laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.

La fondation Diaconesses de Reuilly explique que le comportement de Mme [Z] faisait l’objet de critiques quant à l’exécution de ses tâches, alors qu’elle occupait un rôle central en lien avec différents intervenants.

Dans le cadre de son audition devant la commission d’enquête Mme [J] et M. [O], chef de service, ont tous deux fait part de difficultés croissantes et du comportement de Mme [Z] qui était difficile à gérer, ayant reçu des plaintes d’autres salariés.

L’avertissement qui a été prononcé mentionne un fait précis, en plus du comportement professionnel, qui est d’avoir jeté un document sur le bureau d’un chef de service. Ce fait ne résulte pas des pièces produites par l’intimée et le cadre concerné par l’incident, M. [O], ne l’a pas rapporté lors de son audition par la commission.

La fondation Diaconesses de Reuilly produit l’échange des mails entre Mme [Z] et la responsable des ressources humaines qui est relatif aux heures supplémentaires non payées en janvier 2020. Cette dernière fait justement observer que la demande de paiement de la salariée, et non d’une récupération, n’était pas très claire et lui indique que la somme sera versée le mois suivant.

L’intimée explique le refus qui a été opposé à Mme [Z] d’une prolongation de ses congés à la fin du mois d’août 2019 était justifié par la nécessité qu’elle soit présente dans la structure pour la validation des éléments de paye, sans produire d’élément qui le démontrerait.

L’intimée fait état du propos de Mme [C] lors de l’enquête, qui a indiqué ne pas avoir été témoin direct de certains comportements subis par Mme [Z] qui lui ont seulement été rapportés. Mme [C] a cependant renouvelé le contenu de sa première attestation versée par Mme [Z] dans un courrier complémentaire en signalant que l’enquête diligentée n’avait pas été sérieuse et n’avait pas repris tout ce qui avait été dit. En outre, elle a expressément fait part dans ce complément de la différence de traitement des demandes de congés de la part de Mme [J] concernant Mme [Z] et de remarques qu’elle lui faisait concernant les horaires. D’autres salariés, ont fait état de propos inadaptés tenus par Mme [J] à Mme [Z], notamment sur sa tenue ou de reproches tenus en public sur ses horaires d’arrivée, ou ‘d’injustice’, sans élément contraire produit par l’employeur à ce sujet.

Lors de la commission d’enquête, plusieurs chefs de service font état de difficultés d’organisation et de communication rencontrées avec Mme [Z], et de réunions qui ont été organisées pour clarifier les rôles de chacun, ce qui ne justifie pas les comportements de sa supérieure à son encontre.

La fondation Diaconesses de Reuilly explique avoir recruté une autre personne, une secrétaire comptable, pour alléger la charge de travail de Mme [Z].

L’employeur expose qu’il a été demandé à Mme [Z] de lister les différentes tâches qu’elle accomplissait, afin d’envisager une autre organisation, ce qui résulte des courriers produits, mais que cela n’a pas été fait par la salariée.

La fondation Diaconesses de Reuilly justifie que l’accord sur le télétravail n’a été mis en place que tardivement, le dispositif étant du 18 décembre 2020, mais sans produire d’élément relatif au traitement de la situation de l’ensemble des salariés pendant le confinement ni sur les moyens mis à leur disposition.

L’intimée souligne que lors de la visite médicale de reprise du 06 mars 2020 le médecin du travail a mentionné ‘la salariée peut reprendre son travail’ sans former de réserve à cette occasion. Ce praticien a cependant prévu de revoir la salariée avant le 08 avril 2020 et la rédaction différente de l’avis du 19 octobre 2020, établi par le même médecin, démontre une évolution de la situation.

La fondation Diaconesses de Reuilly produit plusieurs attestations de la responsable des ressources humaines qui exposent que plusieurs entretiens ont eu lieu avec Mme [Z] et Mme [J] au mois de mars 2020 pour :

— lui proposer un autre poste, qu’elle a refusé en raison de l’éloignement,

— s’assurer des conditions de sa reprise,

— établir une fiche de poste,

— assurer un suivi des relations avec sa supérieure directe.

Lors du dernier entretien du 13 mars 2020, qui a eu lieu par téléphone, la responsable des ressources humaines a noté sur le compte-rendu que selon Mme [Z] les relations s’étaient apaisées.

De nouvelles difficultés sont cependant apparues par la suite et Mme [Z] a fait l’objet d’arrêts de travail successifs.

En définitive, l’un des motifs de l’avertissement qui a été prononcé, la différence de traitement de Mme [Z] par rapport aux autres salariés quant à ses prises de congés, ses horaires et les modalités de télétravail, les remarques relatives à ses horaires et à ses pauses et la teneur de propos qui lui ont été adressés par sa supérieure ne sont pas justifiés par des éléments objectifs produits par la fondation Diaconesses de Reuilly.

L’employeur ne prouve pas que les comportements de la supérieure hiérarchique de Mme [Z] à son égard étaient justifiés par des éléments étrangers à tout harcèlement moral. En conséquence, le harcèlement moral de Mme [Z] est établi.

Sur le manquement de l’employeur à son obligation de prévention

L’article L. 4121-1 du code du travail dispose que ‘L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adéquation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.’

L’article L. 1152-4 du code du travail dispose que : ‘L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.’

La fondation Diaconesses de Reuilly a été formellement saisie de la situation de Mme [Z] à plusieurs reprises : par la demande de la salariée de rencontrer la directrice des ressources humaines en étant accompagnée d’un représentant du personnel, puis par deux courriers de son avocat.

Après l’entretien, la directrice des ressources humaines a adressé à Mme [Z] un courrier du 13 décembre 2019 pour formaliser le contenu de l’échange, et l’aviser de mesures devant permettre une amélioration : la finalisation d’une fiche de poste et une modification de l’organisation de l’activité. Le propos de la directrice qu’il avait été convenu, par tous, d’une absence de situation de harcèlement ou de discrimination est expressément remis en cause par la salariée et par la représentante du personnel présente qui déclare que cela n’a pas été prononcé au cours de l’entretien. Le contenu de ce courrier de la directrice révèle que la situation de Mme [Z] n’a pas été appréhendée correctement par l’employeur.

Une enquête n’a été confiée à une commission qu’après la saisine de la directrice des ressources humaines par l’avocat de Mme [Z].

Cette commission a conclu ‘les auditions n’ont pas permis de corroborer les accusations de Mme [Z] concernant les faits présentés, à savoir :

— un comportement discriminatoire de la part de Mme [J] à son égard ;

— des actes pouvant constituer un harcèlement moral’.

Cependant, les auditions de plusieurs salariés qui sont jointes au compte-rendu d’enquête font bien état de plusieurs comportements spécifiques à l’égard de Mme [Z], propos et différences de traitement, qui justifiaient qu’il y soit mis fin.

A son retour d’arrêt maladie au mois de mars 2020, Mme [Z] est demeurée dans le service alors qu’elle avait exprimé son appréhension auprès de la responsable des ressources humaines, ce qui résulte du premier compte-rendu établi par cette dernière. La proposition d’un autre poste qui a été faite à Mme [Z] sur un poste éloigné de son domicile et à temps partiel n’est pas contestée, mais elle n’est pas établie par les éléments versés aux débats. Aucune autre démarche n’est justifiée par l’employeur et Mme [Z] est demeurée dans le même service, sous l’autorité de la même supérieure, jusqu’à la date de sa démission.

En définitive, la fondation Diaconesses de Reuilly ne démontre pas qu’elle a pris toutes les mesures destinées à préserver l’état de santé de sa salariée et à préserver les agissements de harcèlement moral.

Les manquements de l’employeur à son obligation de sécurité et à son obligation de préserver Mme [Z] de faits de harcèlement moral sont ainsi établis.

Le harcèlement moral subi par Mme [Z] et les manquements de l’employeur à ses obligations de sécurité et de préserver Mme [Z] d’agissements de harcèlement moral sont établis. Ils se poursuivaient et étaient suffisamment graves pour justifier la démission de la salariée, qui a expliqué sa décision auprès d’une autre salariée par les nombreuses difficultés rencontrées et par l’absence d’évolution de sa situation.

La démission de Mme [Z], requalifiée en prise d’acte, était ainsi justifiée par les manquements de l’employeur.

L’article L. 1152-3 du code du travail dispose que : ‘Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.’

Le manquement de la fondation Diaconesses de Reuilly consistant notamment en un harcèlement moral subi par Mme [Z], la prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les conséquences financières

Mme [Z] est fondée à obtenir le paiement de l’indemnité de licenciement. Si elle percevait en dernier lieu un revenu mensuel de 1 991,56 euros, la fondation Diaconesses de Reuilly fait justement valoir qu’elle a d’abord exercé à temps partiel pendant deux années et qu’il y a lieu d’en tenir compte conformément à l’article L. 3123-5 du code du travail.

La fondation Diaconesses de Reuilly sera ainsi condamnée à payer à Mme [Z] la somme de 1 120,25 euros au titre de l’indemnité de licenciement.

L’article L. 1235-3-1 dispose que : ‘L’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :

1° La violation d’une liberté fondamentale ;

2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ;

3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ;

4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l’article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ;

5° Un licenciement d’un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l’exercice de son mandat ;

6° Un licenciement d’un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.

L’indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu’il est dû en application des dispositions de l’article L. 1225-71 et du statut protecteur dont bénéficient certains salariés en application du chapitre Ier du Titre Ier du livre IV de la deuxième partie du code du travail, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l’indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.’

Compte tenu du salaire perçu par Mme [Z], la fondation Diaconesses de Reuilly sera condamnée à lui payer la somme de 11 949,36 euros au titre de l’indemnité pour licenciement nul.

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

En application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail la fondation Diaconesses de Reuilly doit être condamnée à rembourser à France travail les indemnités de chômage payées entre le jour du licenciement et le jugement, dans la limite de six mois.

Il sera ajouté au jugement.

Mme [Z] forme une demande de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail, qu’elle explique dans la partie de ses conclusions relatives à la discussion par le harcèlement moral subi et le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Le comportement fautif de l’employeur est établi et le préjudice ainsi subi par la salariée sera réparé par la condamnation de la fondation Diaconesses de Reuilly à lui verser la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la remise des documents de fin de contrat

Mme [Z] explique que l’attestation destinée à Pôle emploi était erronée en ce qu’elle mentionnait les mois de juin à octobre 2020, période au cours de laquelle elle était en arrêt de travail, outre une colonne ‘observations en cas de variation significative des salaires’ qui n’était pas remplie.

La fondation Diaconesses de Reuilly justifie avoir transmis un document rectifié le 21 janvier 2021 et fait justement valoir qu’aucun préjudice consécutif n’est établi par l’appelante.

Mme [Z] sera déboutée de sa demande.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes, et les dommages-intérêts alloués à compter de la présente décision.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée selon les dispositions de l’article 1343-2 du code civil par année entière.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La fondation Diaconesses de Reuilly qui succombe supportera les dépens de première instance et d’appel et la charge de ses frais irrépétibles et sera condamnée à verser à Mme [Z] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La cour,

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes, sauf en ce qu’il a débouté Mme [Z] de sa demande de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat et a débouté la fondation Diaconesses de Reuilly de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Requalifie la démission de Mme [Z] en prise d’acte,

Juge que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul,

Condamne la fondation Diaconesses de Reuilly à payer à Mme [Z] les sommes suivantes :

—  11 949,36 euros au titre de l’indemnité pour licenciement nul,

—  4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Dit que les créances salariales sont assorties d’intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et les dommages-intérêts alloués à compter de la présente décision, avec capitalisation des intérêts selon les dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

Ordonne à la fondation Diaconesses de Reuilly de rembourser à France travail les indemnités de chômage versées à Mme [Z] , du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de six mois des indemnités versées,

Condamne la fondation Diaconesses de Reuilly aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne la fondation Diaconesses de Reuilly à payer à Mme [Z] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la fondation Diaconesses de Reuilly de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

Catégories
Droit du travail

Cour d’appel de Paris, Pôle 6 chambre 9, 20 novembre 2024, n° 22/03306

Arguments

  • RejetéRetard de livraisonLa cour a constaté que le retard de livraison était justifié par des causes légitimes, et a donc rejeté la demande de dommages et intérêts pour ce motif.
  • AcceptéMalfaçons dans la livraisonLa cour a reconnu que la société FONCIERE DANTES avait commis une faute contractuelle en livrant le bien avec des désordres anormaux, justifiant l’allocation de dommages et intérêts.
  • AcceptéPerte de jouissanceLa cour a estimé que les désordres constatés ont effectivement causé une perte de jouissance, justifiant l’allocation de dommages et intérêts.
  • AcceptéPerte de chance de louer le bienLa cour a reconnu que les malfaçons ont entraîné une perte de chance de louer le bien, justifiant l’allocation de dommages et intérêts.
  • Accepté -Frais de procédureLa cour a condamné la société FONCIERE DANTES à rembourser les frais de procédure, considérant qu’elle avait succombé dans l’instance.

Sur la décision

Référence : Copier la référence
Numéro(s) : 22/07635
Importance : Inédit
Dispositif : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d’exécution au défendeur
Date de dernière mise à jour : 24 décembre 2024
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Avocat(s) :Catherine SCHLEEFSabine Du GRANRUT
Parties :La société FONCIERE DANTES

Texte intégral

TRIBUNAL

JUDICIAIRE

DE PARIS [1]

2ème chambre

N° RG 22/07635

N° Portalis 352J-W-B7G-CWXEQ

N° MINUTE :

Assignation du :

14 Juin 2022

JUGEMENT

rendu le 19 Décembre 2024

DEMANDERESSE

Madame [J] [N]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Maître Catherine SCHLEEF, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C1909

DÉFENDERESSE

La société FONCIERE DANTES

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Maître Sabine DU GRANRUT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #K0190

Décision du 19 Décembre 2024

2ème chambre

N° RG 22/07635 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWXEQ

* * *

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Catherine LECLERCQ RUMEAU, 1ère Vice-présidente, statuant en juge unique.

assistée de Madame Audrey HALLOT, greffière lors de l’audience et de Adélie LERESTIF, Greffière lors de la mise à disposition.

DÉBATS

A l’audience du 22 Avril 2024, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 27 juin 2024, ultérieurement prorogé au 19 Décembre 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoire et en premier ressort

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCEDURE

Par acte en date du 21 janvier 2020 reçu par Maître [W] [F], notaire à [Localité 4] au sein de la SAS C§C Notaires, la société FONCIERE DANTES a vendu à Madame [J] [N] en l’état futur d’achèvement un appartement constitué des lots n°12 et 20 d’un ensemble immobilier situé [Adresse 3] à [Localité 5].

Le prix de vente était de 415 000 euros payable comptant à concurrence de 145 250 euros, et le solde en trois fractions échelonnées au fur et à mesure de l’avancée des travaux.

L’appartement dont la livraison devait intervenir le 30 juin 2020 au plus tard, a été réceptionné le 28 mai 2021 avec de nombreuses réserves.

Dénonçant le retard dans la livraison et la persistance de malfaçons en dépit de multiples relances et d’une tentative de médiation, Madame [N] a, par exploit d’huissier de justice en date du 14 Juin 2022 a fait assigner la société SAS FONCIERE DANTES devant le tribunal judiciaire de Paris en paiement de dommages et intérêts.

Décision du 19 Décembre 2024

2ème chambre

N° RG 22/07635 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWXEQ

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 29 mai 2023, Madame [J] [N] demande au tribunal, au visa des articles 1147161116161619 et 1623 du Code civil, et des articles R 111-2L 261-11R 261-13 et R 261-25 du Code de la construction et de l’habitation, de :

Juger que la société FONCIERE DANTES a manqué à son obligation contractuelle de délivrance à l’encontre de Madame [N], et en conséquence :Condamner la société FONCIERE DANTES à verser à Madame [N] la somme globale de 21 562,05 euros à titre de dommages intérêt en réparation des préjudices financiers subis, outre intérêts au taux légal.Condamner la société FONCIERE DANTES à verser à Madame [N] la somme globale de 5 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de la perte de jouissance, outre intérêts au taux légal.Condamner la société FONCIERE DANTES à verser à Madame [N] la somme globale de 11 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de la perte de chance, outre intérêts au taux légal.Condamner la société FONCIERE DANTES à verser à Madame [N] la somme globale de 3 600 euros au titre de l’article 700 du CPC.Condamner la société FONCIERE DANTES aux dépens comprenant l’ensemble des frais d’huissier et les procès-verbaux de constat.Ordonner l’exécution provisoire du jugement à venir.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 26 juillet 2023, la société la société FONCIERE DANTES demande au tribunal, au visa des articles 1231-1 et suivants, 1646-1 et 1792 du Code civil de :

Débouter Madame [J] [N] de l’ensemble de ses demandes et prétentions.Condamner Madame [J] [N] à verser à la société FONCIERE DANTES une somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civileLa condamner aux entiers dépens.L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 septembre 2023 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 22 avril 2024 à 14h 15.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties visées ci-dessus pour un exposé détaillé des moyens de droit et de fait développés au soutien de leurs prétentions, qui sont succinctement présentés ci-après.

Décision du 19 Décembre 2024

2ème chambre

N° RG 22/07635 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWXEQ

MOTIFS DE LA DECISION

Il sera rappelé à titre liminaire que les demandes des parties tendant à voir « dire et juger » ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile dès lors qu’elles ne confèrent pas de droits spécifiques à la partie qui les requiert. Elles ne donneront en conséquence pas lieu à mention au dispositif.

Sur les demandes de dommages et intérêts :

Madame [N] reproche à la société FONCIERE DANTES d’avoir livré l’appartement avec 332 jours de retard dont seuls 104 jours seraient justifiés, et de ne pas avoir mis en œuvre les moyens nécessaires pour lever toutes les réserves.

Elle indique que ces manquements ont généré des préjudices financiers pour un montant total de 21 562,05 puisqu’elle a dû supporter des frais d’assurance et d’intérêts de crédit, de garde-meuble et de stockage, d’huissier et d’avocats. Ces fautes ont également entraîné une perte de jouissance et une perte de chance.

La société FONCIERE DANTES conteste tout manquement contractuel, faisant valoir que le retard de livraison a pour origine des causes légitimes de suspension expressément prévues à l’article 27.1.5 de l’acte de vente (grève nationale, pandémie de coronavirus, difficultés de raccordement électrique, difficultés de raccordement au gaz, intempéries …), et que Madame [N] ne démontre aucunement les préjudices dont elle se plaint.

Elle ajoute avoir respecté ses obligations au titre de la mainlevée des réserves, rappelant que les 32 réserves effectuées par l’acquéreur sur le procès-verbal de livraison portaient principalement sur des reprises de peinture, des réglages, des vérifications et du nettoyage et ont été levées, et que les 132 réserves complémentaires concernaient des points mineurs qui ont été repris à l’exception du joint de la porte de la douche et de l’humidité de la cave.

Sur ce,

Sur le retard de livraison :

Aux termes de l’article 1231-1du Code civil, « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »

En application de l’article 1646-1 du code civil, « Le vendeur d’un immeuble à construire est tenu, à compter de la réception des travaux, des obligations dont les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage sont eux-mêmes tenus en application des articles 17921792-1 et 1792-2 du présent code ».

En l’espèce, l’article 12 de l’acte de vente en l’état futur d’achèvement signé entre les parties le 21 janvier 2020 stipule que « Le vendeur s’oblige à achever l’ensemble immobilier et à livrer les biens présentement vendus au plus tard au cours du deuxième trimestre 2020, soit le 30 juin 2020 au plus tard, sous réserve des dispositions stipulées en deuxième partie de la présente vente ».

L’article 27.1.5 mentionne que « Le délai d’achèvement , fixé en première partie du présent acte, est convenu sous réserve d’un cas de force majeure ou d’une cause légitime de suspension de délai. » Une liste non limitative de ces cas de force majeure ou de causes légitimes de suspension est ensuite proposée. Dans ces hypothèses, et selon l’article précité, « l’époque prévue pour l’achèvement des travaux serait différée d’un temps égal au double de celui pendant lequel l’événement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux, et ce pour tenir compte de la répercussion de cette suspension pour l’organisation du chantier, le cas échéant ».

Il est constant que la livraison n’est intervenue que le 28 mai 2021, soit avec un retard de 332 jours.

Il ressort des échanges de correspondances que Madame [N] a été régulièrement informée de l’état d’avancement du chantier et des causes de retard.

Au vu des justificatifs fournis, il apparait que 758 jours de retard justifié peuvent être retenus :

Grève du 05 décembre au 17 janvier 2020 : 30 jours x 2 = 60 jours Covid du 17 mars 2020 au 10 mai 2020 : 42 jours x 2 = 84 jours Intempéries : 59 jours x 2 = 118 jours Raccordement électrique du 11 mai 2020 au 13 janvier 2021 : 248 jours x 2 = 496 jours.Par suite, aucun manquement lié au retard de livraison ne peut être reproché à la société FONCIERE DANTES.

Sur les malfaçons

En application de l’article 1646-1 du code civil, « Le vendeur d’un immeuble à construire est tenu, à compter de la réception des travaux, des obligations dont les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage sont eux-mêmes tenus en application des articles 17921792-1 et 1792-2 du présent code ».

Décision du 19 Décembre 2024

2ème chambre

N° RG 22/07635 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWXEQ

Le procès-verbal de livraison du 28 mai 2021 fait état d’une liste de 32 réserves effectuées par Madame [N] qui a fait appel aux services d’un huissier de justice pour les constater.

Ultérieurement, 132 réserves complémentaires ont été faites par Madame [N].

Un nouveau constat d’état des lieux listant 42 postes de malfaçons mineures (peinture et joints à reprendre, prises à fixer joints …) a été dressé contradictoirement par huissier de justice le 29 juillet 2021 à la requête de l’acquéreur qui a par ailleurs proposé à ses frais une mesure de médiation conventionnelle qui n’a pas abouti.

La société FONCIERE DANTES ne conteste pas les 32 réserves mentionnées lors de la livraison mais dénonce les 132 réserves complémentaires en l’absence de preuve tout en reconnaissant les avoir réduites à 75 en octobre 2021.

Elle admet par ailleurs qu’il demeure un problème sur le joint de la porte de douche et la cave n° 7 qui rencontre un problème d’humidité, ce qui est confirmé par le constat d’huissier du 29 juillet 2021.

Il résulte de l’ensemble de ces observations que si les réserves qui subsistent sont mineures, Madame [N] a dû multiplier les relances et faire intervenir à deux reprises un huissier de justice afin qu’il soit remédié à la situation, étant relevé que les désordres au niveau de la cave persistent.

En livrant le bien avec autant de désordres anormaux, en manquant de diligence dans la recherche de solution de ces désordres et en laissant les désordres de la cave, la société SAS FONCIERE DANTES a commis une faute contractuelle occasionnant un préjudice financier qu’il convient de réparer par l’allocation d’une somme forfaitaire de 10 000 euros incluant la trouble de jouissance et la perte de chance de louer le bien.

Sur les demandes accessoires

La société FONCIERE DANTES qui succombe à l’instance sera condamnée aux dépens.

Elle sera également condamnée à payer à Madame [N] la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il y a enfin lieu de rappeler que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

CONDAMNE la société SAS FONCIERE DANTES à payer à Madame [J] [N] la somme de 10 000 euros de dommages intérêts en réparation de son préjudice financier ;

CONDAMNE la société SAS FONCIERE DANTES aux dépens ;

CONDAMNE la société SAS FONCIERE DANTES à payer à Madame [J] [N] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 ainsi.

RAPPELLE que le présent jugement est de droit exécutoire.

Fait et jugé à Paris le 19 Décembre 2024

La Greffière La Présidente

Adélie LERESTIF Catherine LECLERCQ RUMEAU

Catégories
Droit du travail

Cour d’appel de Paris, Pôle 6 chambre 11, 24 septembre 2024, n° 21/09131

Arguments

  • Accepté – Absence de cause réelle et sérieuse du licenciement
    La cour a confirmé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, en raison de l’absence de preuves suffisantes de la faute reprochée au salarié.
  • Accepté – Remboursement des indemnités de chômage
    La cour a ordonné le remboursement par l’employeur des indemnités de chômage versées au salarié, conformément aux dispositions légales.
  • Accepté – Frais exposés pour faire valoir ses droits
    La cour a jugé qu’il était inéquitable de laisser à la charge du salarié les frais exposés pour faire valoir ses droits, et a donc accordé une indemnité au titre de l’article 700.

Sur la décision

Référence :
Juridiction :Cour d’appel de Paris
Numéro(s) :21/09131
Importance :Inédit
Décision précédente :Conseil de prud’hommes de Bobigny, 29 septembre 2021, N° F19/00711
Dispositif :Autre
Date de dernière mise à jour :29 septembre 2024
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Avocat(s) :

Véronique DAGONET Catherine SCHLEEF

Jeanne BAECHLIN
Parties :S.A.S.U. DEDICATED FREIGHT SERVICES

Texte intégral

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/09131 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CETM6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Septembre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° F 19/00711

APPELANTE

S.A.S.U. DEDICATED FREIGHT SERVICES

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

INTIME

Monsieur [P] [T] [W]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Catherine SCHLEEF, avocat au barreau de PARIS, toque : C1909

PARTIE INTERVENANTE

Organisme POLE EMPLOI

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Véronique DAGONET, avocat au barreau du Val-de-Marne, toque: PC : 003

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine VALANTIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Marika WOHLSCHIES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIIGE

M. [P] [T] [W], né en 1974, a été engagé par la société régie manutention service, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 juillet 2008 en qualité de superviseur.

Son contrat de travail a été repris par la SASU Dedicated freight services (DFS) le 15 juillet 2013.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des transports routiers.

Par lettre datée du 16 novembre 2018, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 26 novembre 2018.

M. [W] a ensuite été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre datée du 5 décembre 2018.

A la date du licenciement, M. [W] avait une ancienneté de 10 ans et 7 mois, et la société Dedicated freight services occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre l’octroi de dommages et intérêts pour l’absence d’indication de la convention collective applicable dans l’entreprise, M. [W] a saisi le 5 octobre 2021 le conseil de prud’hommes de Bobigny qui, par jugement du 29 septembre 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

— dit le licenciement de M. [W] sans cause réelle et sérieuse,

— condamne la société Dedicated freight services à verser à M. [Z] [W] les sommes suivantes :

—  39 163,50 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  1200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— rappelle que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de l’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation, soit le 25 mars 2019, et que les créances à caractère indemnitaire porteront intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement,

— déboute M. [W] du surplus de ses demandes,

— déboute la société Dedicated freight services de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamne aux dépens.

Par déclaration du 4 novembre 2021, la société Dedicated freight services a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 5 octobre 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 22 avril 2022, la société DFS demande à la cour de :

— infirmer le jugement de première instance en ce qu’il a jugé le licenciement infondé et condamné la société Dedicated freight services à verser à M. [W] les sommes de 39 163,50 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts et 1200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a débouté la société Dedicated freight services de sa demande à ce titre,

— confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a débouté M. [W] de sa demande d’indemnité pour brusque rupture et d’indemnité pour préjudice lié à l’absence de mention de la convention collective,

statuant à nouveau :

— juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

— débouter M. [W] de l’ensemble de ses demandes,

— condamner M. [W] à payer à la Société BFS, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 3000 euros,

à titre subsidiaire, si le conseil jugeait le licenciement infondé,

— constater que la demande de M. [W] au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est manifestement excessive et la fixer à la somme de 11.798 euros et en tout état de cause la plafonner à la somme de 39.160 euros.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 7 mars 2022, M. [W] demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

— dit le licenciement de M. [W] sans cause réelle et sérieuse,

— condamne la société Dedicated freight services (DFS) à verser à M. [W] les sommes suivantes :

—  39 163,50 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  1 200,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— rappelle que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de l’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation, soit le 25 mars 2019 et que les créances à caractère indemnitaire porteront intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement,

— l’infirmer pour le surplus et en conséquence,

— condamner la société défenderesse à payer à M. [W] les sommes suivantes :

— la somme de 2000 euros à titre d’indemnité pour licenciement pour brusque rupture,

— la somme de 1500 euros à titre d’indemnité pour préjudice découlant de l’absence d’indication de la convention collective applicable dans l’entreprise,

— condamner la société Dedicated freight services (DFS) à verser à M. [W] la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 7 décembre 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Pour infirmation du jugement la société DFS fait valoir que le salarié n’a pas respecté les règles élémentaires de sécurité en matière de chargement, bien qu’il ait suivi toutes les formations nécessaires, et que les faits reprochés au soutien du licenciement sont donc établis et constitutifs d’une cause réelle et sérieuse.

M. [W] réplique que son employeur ne rapporte pas la preuve de l’endommagement des palettes, d’un préjudice commercial ou financier, de l’altération de ses relations avec le client, de la réalité des risques sanitaires dont il a fait état et du fait qu’il ait été formé pour la gestion d’un incident de sorte que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l’article 1232-1 du code du travail tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l’article L 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si un doute subsiste il profite au salarié.

Aux termes de la lettre de licenciement du 5 décembre 2018 qui fixe les limites du litige M. [W] a été licencié pour cause réelle et sérieuse en ces termes:

‘ … Le 14 novembre 2018 lors du chargement d’un lot de 13 palettes de vaccins SANOFI sur les pinons dans le magasin, l’un de vos collègues a fait tomber une palette. Vous en avez été avisé et c’est en voulant continuer le chargement que vous avez fait tomber la 2ème palette , sans en avertir votre responsable ainsi que le client comme le prévoit la procédure. Les palettes ont donc été chargées dans l’avion à destination de [Localité 7] ( Etats-Unis). C’est l’agent de sécurité qui a prévenu le client.

Les palettes ont été mises en quarantaine à [Localité 7] en attendant les instructions du client.

Sanofi nous a demandé de leur fournir un rapport détaillé du déroulement de l’expédition et de l’absence de communication de cet incident. Vous comprendrez aisément que cet événement remet en cause la qualité de service que nous assurons à l’ensemble de nos clients ainsi que la confiance qu’ils nous accordent. Cela engendre également un préjudice commercial et altère les relations avec notre client.

De plus la valeur d’une palette s’élève à 779 000 euros. Cela engendre donc un préjudice financier pour notre client mais également pour notre entreprise.

Vous n’avez absolument pas respecté les règles élémentaires de sécurité en matière de chargement, alors que vous avez passé toutes les formations nécessaires. Vous avez également signé les procédures de ‘gestion magasin stockage’ animées par KUEHNE NAGEL, notre client.

Pour rappel, toute palette qui subit un choc quelque soit le dégré et l’impact, doit être vérifiée par les experts Sanofi avant un éventuel chargement. Une fois la vérification faite par leurs soins, le chargement peut se poursuivre. Votre manque de réaction est totalement innacceptable quand on connait les conséquences sanitaires que cela aurait pu engendrer si les vaccins avaient été mis sur le marché, sans vérification du laboratoire.

Lors de l’entretien nous avons constaté que vous mesuriez l’importance de votre geste puisque vous nous avez dit ‘j’assume tout, je connais bien les procédures’. Malgré tout cette attitude n’est pas acceptable puisque notre

métier nécessite un respect stricte des consignes et des procédures métier, aussi, il n’est plus possible de maintenir nos relations contractuelles…’

Il ressort des pièces versées aux débats de part et d’autre que, le 14 novembre 2018, un salarié travaillant sous la supervision de M. [W] et M. [W] lui même ont, en procédant au chargement de palettes dans un avion, chacun fait tomber une palette de vaccins SANOFI, et que M. [W] qui supervisait l’opération de chargement, n’a averti ni son responsable ni le client la société Kuehne et Nagel contrairement à ce que prévoit la procédure, les palettes ayant été livrées en frêt et acheminées jusqu’aux Etats-Unis.

Il est encore établi qu’informée le lendemain par un agent de sécurité présent au moment des faits, la société Kuehne et Nagel après avoir visionné les cameras de vidéo surveillance, a demandé à son agence de [Localité 7] de mettre les 13 palettes expédiées en quarantaine en attendant les instructions de SANOFI qui les a faites expertiser afin de vérifier si elles avaient été ou non endommagées et qui a émis des réserves auprès de la société Kuehne et Nagel estimant que le contrat de transport n’avait pas été respecté.

Le non respect de la procédure par le salarié qui aurait dû avertir son responsable est ainsi établi.

Si l’existence du préjudice financier mentionné par la société DFS n’est pas démontré il ressort du rapport d’expertise [Y] relatif aux 2 palettes versé aux débats que plusieurs cartons sur les étages supérieurs ont été trouvés légèrement froissés et certains écrasés et que si les flacons de vaccin contenus dans les cartons ne présentaient aucun signe visible de dommages, Sanofi avait estimé qu’ il y avait une possibilité de fissures capillaires qui pouvaient compromettre les flacons.

Il résulte toutefois des attestations circonstanciées et concordantes versées aux débats que le jour des faits M. [W] occupait 2 postes car il devait en plus de ses fonctions de superviseur exercer celles de son chef d’équipe export qui était absent, que l’équipe était en sous effectif et soumise à une charge de travail et une pression excessives et qu’aucun responsable n’était présent sur les lieux. Il est encore établi par les attestations et les fiches de paye que M. [W] qui devait accomplir de très nombreuses heures supplémentaires était soumis à une charge de travail excessive.

Il ressort ainsi de l’ensemble de ces éléments que l’employeur n’a pas mis son salarié en mesure de pouvoir exécuter correctement sa prestation de travail en respectant la procédure adéquate.

Il est encore démontré que M. [W] qui a été promu en 2010 responsable d’équipe puis en 2016 chef d’équipe import et export et enfin en 2017 superviseur, donnait entière satisfaction à son employeur ce que confirment les déclarations de ses collègues qui attestent de ses compétences et de son investissement et le fait qu’il n’ait au cours de l’exécution de son contrat de travail jamais fait l’objet de la moindre sanction ou du moindre recadrage.

Le licenciement prononcé par la société constitue une sanction manifestement disproportionnée et la décision du conseil de prud’hommes est en conséquence confirmée en ce qu’elle a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

M. [W] ne justifiant d’aucun élément sur sa situation professionnelle postérieure au licenciement, il y a lieu par infirmation du jugement en ce qu’il a condamné l’employeur à payer au salarié en application de l’article L 1235-3 du code du travail, la somme de 39 163,50 euros à titre d’indemnité pour licnciement sans cause réelle et sérieuse, de lui allouer à ce titre au regard de son ancienneté la somme de 32 000 euros.

Il y a par ailleurs lieu , en application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, d’ordonner le remboursement par l’employeur à France Travail des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié licencié à compter de son licenciement dans la limite des 6 mois prévus par la loi.

— sur le caractère vexatoire du licenciement:

M. [W] ne justifiant pas que le licenciement ait été accompagné de circonstances vexatoires , le jugement est confirmé en ce qu’il l’a débouté des demandes faites à ce titre.

— sur l’erreur relative à la convention collective mentionnée dans les bulletins de paie:

M. [W] qui se limite à affirmer que le défaut de mention de la convention collective sur les bulletins de paie ne lui a pas permis d’apprécier la globalité de ses droits et l’a empêché de formuler des demandes plus précises ne justifie pas d’un préjudice.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts.

— sur les autres demandes:

Pour faire valoir ses droits en cause d’appel M. [W] a dû exposer des frais qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge.

La société DFS sera en conséquence condamnée à payer au salarié outre la sommes allouée en 1ère instance, celle de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné la la SASU Dedicated freight services à payer à M. [P] [T] [W] la somme de 39 163,50 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

et statuant à nouveau du chef de jugement infirmé et y ajoutant,

Condamne la SASU Dedicated freight services à payer à M. [P] [T] [W] la somme de 32 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonne le remboursement par la SASU Dedicated freight services à France Travail des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié licencié à compter de son licenciement dans la limite des 6 mois prévus par la loi.

Condamne la SASU Dedicated freight services à payer à M. [P] [T] [W] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SASU Dedicated freight services aux entiers dépens.

Le greffier La présidente

Catégories
Droit du travail

La portabilité des couvertures santé et prévoyance après la rupture du contrat de travail.

Conformément à l’article 14 de l’accord national interprofessionnel sur la modernisation du marché du travail signé le 11 janvier 2008, et depuis le 1er juillet 2009, vous pouvez conserver le bénéfice des couvertures complémentaires santé et prévoyance applicables au sein de votre Société lorsqu’une telle disposition existait.

Ce maintien des garanties est financé conjointement par la Société et vous-même, suivants les proportions et les taux applicables le jour de votre départ de la Société.

Le non paiement de votre quote-part de financement, à la date d’échéance des cotisations, entraine la perte du bénéfice de cette garantie de façon définitive.

En outre, il est entendu que ce maintien des garanties ne s’applique que durant vos droits à chômage et pour une durée limitée à la durée de votre contrat de travail, appréciée en mois entiers, dans la limite de neuf mois de couverture.

Si vous repreniez une activité avant le terme de ce maintien de garantie, vous êtes tenus d’en informer par écrit la Société, ce droit n’étant applicable que durant la période où vous bénéficiez des prestations chômage.

Enfin, toute évolution de cette garantie collective en termes de prestations et/ou de cotisations intervenant entre la date de votre départ effectif de la Société et le terme du maintien de la garantie dont vous bénéficiez vous sera applicable dans la mesure où ladite garantie qui vous sera maintenue ainsi qu’à vos éventuels ayants droit déjà couverts par le régime de complémentaire santé et/ou prévoyance est celle dont bénéficient les salariés de l’entreprise.

Ceci étant, vous avez la possibilité de renoncer au maintien de ces garanties.

Pour ce faire, vous devez en informer votre employeur au plus tard dans les 10 jours qui suivront la fin de votre contrat de travail.

A défaut, vous serez réputé couvert.

Ainsi, les seules conditions pour profiter du prolongement de votre contrat de mutuelle obligatoire et/ ou de prévoyance en cas de fin de contrat sont :

  •  de bénéficier d’une indemnité d’assurance chômage
  •  d’avoir travaillé au moins un mois dans l’entreprise.

Catégories
Droit du travail

L’obligation de reclassement s’impose à tout employeur dans le cas d’un licenciement pour motif économique

La recherche de reclassement dans le cadre d’un licenciement économique…

Le licenciement pour motif économique s’oppose à celui pour motif personnel dans la mesure où il ne concerne pas la personne du salarié.

Ainsi, dans la mesure où les compétences ou le comportement du salarié ne sont pas remis en cause il est logique de tout mettre en oeuvre pour éviter son licenciement.

Il existe une obligation de reclassement qui doit impérativement être respectée sous peine de voire le licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse.

En effet, tout licenciement économique suppose, au préalable, que l’employeur ait tout tenté pour les en empêcher.

Ces tentatives, qui doivent être antérieures à la décision de licenciement, sont constituées par des mesures de formation et d’adaptation et par des mesures de reclassement interne.

Ainsi, tout licenciement économique ne peut être licite qu’à condition, qu’au préalable, l’employeur ait dûment agi pour tenter d’éviter ceux-ci, notamment par l’effet d’une exécution parfaite de l’obligation de reclassement (les conditions de la jurisprudence étant à cet égard très strictes : recensement de l’ensemble des postes disponibles, informations des salariés sur ceux-ci dans le PSE, recherche individuelle et concrète, proposition par l’effet d’offres écrites et précises adressés à chaque salarié)