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Annulation d’une décision implicite de la commission de médiation de Paris

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 10 février 2024, Mme A B, représentée par Me Schleef, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision implicite du 13 décembre 2023 par laquelle la commission de médiation de Paris a refusé de reconnaître le caractère prioritaire et urgent de sa demande de logement social en application des dispositions du II de l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation ;

[0]

2°) d’enjoindre à la commission de médiation :

— de désigner sa demande de logement social comme prioritaire et urgente en application du II de l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation ;

— de réexaminer sa situation ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

— elle est dépourvue de logement, sans domicile fixe et elle est hébergée de manière intermittente par des parents et des tiers ;

— elle a fait l’objet d’une expulsion irrégulière par la Régie immobilière de la Ville de Paris ;

— la commission de médiation a commis une erreur d’appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 14 mai 2024, le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, conclut au rejet de la requête.

Le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, fait valoir que :

— la recours amiable de Mme B a été rejeté par une décision de la commission de médiation de Paris en date du 1er février 2024 ;

— la requête est irrecevable ;

— les moyens soulevés par Mme B ne sont pas fondés.

Mme B a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 23 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de la construction et de l’habitation ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme Hermann Jager en application de l’article R. 222-13 du code de justice administrative.

La magistrate désignée a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Mme Hermann Jager a donné lecture de son rapport au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B a, le 13 septembre 2023, saisi la commission de médiation de Paris en vue de la reconnaissance du caractère prioritaire et urgent de sa demande de logement social, en application des dispositions du II de l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation. La commission de médiation de Paris a, par décision du 13 décembre 2023, rejeté implicitement cette demande. Le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, soutient, sans être contesté, que par une décision du 1er février 2024, la commission de médiation a expressément rejeté la demande Mme B. Mme B demande l’annulation de cette décision.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris :

2. Aux termes de l’article R. 412-1 du code de justice administrative : « La requête doit, à peine d’irrecevabilité, être accompagnée (), de la décision attaquée () ». D’une part, il ressort des pièces du dossier que Mme B a déposé sa requête le 10 février 2024, date à laquelle une décision implicite de rejet était née du silence de l’administration. Si le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, soutient que, par une décision du 1er février 2024, la commission de médiation a expressément rejeté la demande Mme B, il n’apporte aucun élément propre à établir que ladite décision a été régulièrement notifiée à l’intéressée. D’autre part, par un courrier en date du 13 novembre 2024, le greffier en chef du tribunal a sollicité du préfet de Paris la production de la décision attaquée, dont il avait annoncé la production dans son mémoire en défense. Cependant la décision en cause n’était pas jointe. Le préfet de Paris n’ayant pas répondu à la mesure d’instruction précitée, il est constant que Mme B n’a pas été en capacité de produire la décision de la commission de médiation de Paris du 1er février 2024, ni même d’en prendre connaissance dans le cadre du contradictoire. Par suite, le préfet, qui n’a pas produit la décision en litige dont il est en possession, ne saurait utilement invoquer l’absence de production de la décision attaquée. Il suit de là que la fin de non-recevoir tirée du défaut de production de la décision attaquée ne peut être accueillie.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

3. Aux termes du II de l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation : « La commission de médiation peut être saisie par toute personne qui, satisfaisant aux conditions réglementaires d’accès à un logement locatif social, n’a reçu aucune proposition adaptée en réponse à sa demande de logement dans le délai fixé en application de l’article L. 441-1-4. / Elle peut être saisie sans condition de délai lorsque le demandeur, de bonne foi, est dépourvu de logement, menacé d’expulsion sans relogement, hébergé ou logé temporairement dans un établissement ou un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, logé dans des locaux impropres à l’habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux. Elle peut également être saisie, sans condition de délai, lorsque le demandeur est logé dans des locaux manifestement suroccupés ou ne présentant pas le caractère d’un logement décent, s’il a au moins un enfant mineur, s’il présente un handicap au sens de l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles ou s’il a au moins une personne à charge présentant un tel handicap. () Elle notifie par écrit au demandeur sa décision qui doit être motivée. Elle peut faire toute proposition d’orientation des demandes qu’elle ne juge pas prioritaires. () ».

4. Aux termes de l’article R. 441-14-1 du même code :  » La commission, saisie sur le fondement du II ou du III de l’article L. 441-2-3, se prononce sur le caractère prioritaire de la demande et sur l’urgence qu’il y a à attribuer au demandeur un logement ou à l’accueillir dans une structure d’hébergement, en tenant compte notamment des démarches précédemment effectuées dans le département ou en Ile-de-France dans la région. / Peuvent être désignées par la commission comme prioritaires et devant être logées d’urgence en application du II de l’article L. 441-2-3 les personnes de bonne foi qui satisfont aux conditions réglementaires d’accès au logement social qui se trouvent dans l’une des situations prévues au même article et qui répondent aux caractéristiques suivantes : / – ne pas avoir reçu de proposition adaptée à leur demande dans le délai fixé en application de l’article L. 441-1-4 ; / – être dépourvues de logement. Le cas échéant, la commission apprécie la situation du demandeur logé ou hébergé par ses ascendants en tenant notamment compte de son degré d’autonomie, de son âge, de sa situation familiale et des conditions de fait de la cohabitation portées à sa connaissance ; / – être logées dans des locaux impropres à l’habitation, ou présentant un caractère insalubre ou dangereux () ; / – -avoir fait l’objet d’une décision de justice prononçant l’expulsion du logement ; / – être hébergées dans une structure d’hébergement ou une résidence hôtelière à vocation sociale de façon continue depuis plus de six mois ou logées temporairement dans un logement de transition ou un logement-foyer depuis plus de dix-huit mois, sans préjudice, le cas échéant, des dispositions du IV de l’article L. 441-2-3 ; / – être handicapées, ou avoir à leur charge une personne en situation de handicap, ou avoir à leur charge au moins un enfant mineur, et occuper un logement soit présentant au moins un des risques pour la sécurité ou la santé énumérés à l’article 2 du décret du 30 janvier 2002 ou auquel font défaut au moins deux des éléments d’équipement et de confort mentionnés à l’article 3 du même décret, soit d’une surface habitable inférieure aux surfaces mentionnées à l’article R. 822-25, ou, pour une personne seule, d’une surface inférieure à celle mentionnée au premier alinéa de l’article 4 du même décret. / – La commission peut, par décision spécialement motivée, désigner comme prioritaire et devant être logée en urgence une personne qui, se trouvant dans l’une des situations prévues à l’article L. 441-2-3, ne répond qu’incomplètement aux caractéristiques définies ci-dessus. « La surface habitable globale minimale prévue par l’article R. 822-25 du même code s’établit à neuf mètres carrés pour une personne seule, seize mètres carrés pour un ménage sans enfant ou deux personnes, augmentée de neuf mètres carrés par personne en plus, dans la limite de soixante-dix mètres carrés pour huit personnes et plus. L’article 1er de l’arrêté du 10 août 2009 susvisé dispose que : » Les délais à partir desquels les personnes qui ont déposé une demande de logement locatif social peuvent saisir la commission de médiation prévue à l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation sont les suivants : 6 ans pour les logements individuels ; 9 ans pour les logements comportant 2 ou 3 pièces ; 10 ans pour les logements comportant 4 pièces et plus. « .

5. Il appartient à la commission de médiation, qui, pour instruire les demandes qui lui sont présentées en application du II de l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation, peut obtenir des professionnels de l’action sociale et médico-sociale, au besoin sur sa demande, les informations propres à l’éclairer sur la situation des demandeurs, de procéder, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, à un examen global de la situation de ces derniers au regard des informations dont elle dispose, sans être limitée par le motif invoqué dans la demande, afin de vérifier s’ils se trouvent dans l’une des situations envisagées à l’article R. 441-14-1 de ce code pour être reconnus prioritaires et devant être relogés en urgence au titre du premier ou du deuxième alinéa du II de l’article L. 441-2-3. Le demandeur qui forme un recours pour excès de pouvoir contre la décision par laquelle la commission de médiation a refusé de le déclarer prioritaire et devant être relogé en urgence peut utilement faire valoir qu’à la date de cette décision, il remplissait les conditions pour être déclaré prioritaire sur le fondement d’un autre alinéa du II de l’article L. 441-2-3 que celui qu’il avait invoqué devant la commission de médiation. Il peut également présenter pour la première fois devant le juge de l’excès de pouvoir des éléments de fait ou des justificatifs qu’il n’avait pas soumis à la commission, sous réserve que ces éléments tendent à établir qu’à la date de la décision attaquée, il se trouvait dans l’une des situations lui permettant d’être reconnu comme prioritaire et devant être relogé en urgence.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B, qui justifie avoir fait l’objet d’une expulsion irrégulière de son logement, est dépourvue de logement et se voit contrainte d’être hébergée soit chez ses parents, soit chez des tiers. Elle remplit donc les conditions prescrites par les dispositions précitées de l’article de l’article R. 441-14-1 du code de la construction et de l’habitation. Il suit de là que la commission de médiation a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B est fondée à demander l’annulation de la décision de la commission de médiation de Paris en date du 1er février 2024.

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

7. Aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. ». Aux termes de l’article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ».

8. Dans les circonstances de l’espèce, l’exécution du présent jugement implique que la commission de médiation de Paris reconnaisse la demande de logement social de Mme B comme prioritaire et urgente, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. Mme B a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle. Elle ne justifie pas avoir exposé des frais pour présenter sa requête. Il suit de là que ses conclusions doivent être rejetées.

Sur les dépens :

10. La présente instance n’ayant pas occasionné de dépens, les conclusions tendant à ce que les entiers dépens soient mis à la charge de l’État ne peuvent qu’être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La décision de la commission de médiation du 1er février 2024 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la commission de médiation de Paris de reconnaitre la demande de logement social de Mme B comme prioritaire et urgente, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme A B, à la ministre du logement et de la rénovation urbaine et à Me Schleef.

Copie en sera adressée au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris.

Lu en audience publique le 6 janvier 2025.

La magistrate désignée,

V. Hermann Jager

La greffière,

F. Rajaobelison

La République mande et ordonne à la ministre du logement et de la rénovation urbaine, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement./4-2

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Droit immobilier

Tribunal Judiciaire de Paris, 2e chambre 2e section, 19 décembre 2024, n° 22/07635

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS

2ème chambre

N° RG 22/07635

N° Portalis 352J-W-B7G-CWXEQ

N° MINUTE :

Assignation du :

14 Juin 2022

JUGEMENT

rendu le 19 Décembre 2024

DEMANDERESSE

Madame [J] [N]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Maître Catherine SCHLEEF, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C1909

DÉFENDERESSE

La société FONCIERE DANTES

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Maître Sabine DU GRANRUT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #K0190

Décision du 19 Décembre 2024

2ème chambre

N° RG 22/07635 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWXEQ

* * *

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Catherine LECLERCQ RUMEAU, 1ère Vice-présidente, statuant en juge unique.

assistée de Madame Audrey HALLOT, greffière lors de l’audience et de Adélie LERESTIF, Greffière lors de la mise à disposition.

DÉBATS

A l’audience du 22 Avril 2024, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 27 juin 2024, ultérieurement prorogé au 19 Décembre 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoire et en premier ressort

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCEDURE

Par acte en date du 21 janvier 2020 reçu par Maître [W] [F], notaire à [Localité 4] au sein de la SAS C§C Notaires, la société FONCIERE DANTES a vendu à Madame [J] [N] en l’état futur d’achèvement un appartement constitué des lots n°12 et 20 d’un ensemble immobilier situé [Adresse 3] à [Localité 5].

Le prix de vente était de 415 000 euros payable comptant à concurrence de 145 250 euros, et le solde en trois fractions échelonnées au fur et à mesure de l’avancée des travaux.

L’appartement dont la livraison devait intervenir le 30 juin 2020 au plus tard, a été réceptionné le 28 mai 2021 avec de nombreuses réserves.

Dénonçant le retard dans la livraison et la persistance de malfaçons en dépit de multiples relances et d’une tentative de médiation, Madame [N] a, par exploit d’huissier de justice en date du 14 Juin 2022 a fait assigner la société SAS FONCIERE DANTES devant le tribunal judiciaire de Paris en paiement de dommages et intérêts.

Décision du 19 Décembre 2024

2ème chambre

N° RG 22/07635 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWXEQ

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 29 mai 2023, Madame [J] [N] demande au tribunal, au visa des articles 1147161116161619 et 1623 du Code civil, et des articles R 111-2L 261-11R 261-13 et R 261-25 du Code de la construction et de l’habitation, de :

Juger que la société FONCIERE DANTES a manqué à son obligation contractuelle de délivrance à l’encontre de Madame [N], et en conséquence :Condamner la société FONCIERE DANTES à verser à Madame [N] la somme globale de 21 562,05 euros à titre de dommages intérêt en réparation des préjudices financiers subis, outre intérêts au taux légal.Condamner la société FONCIERE DANTES à verser à Madame [N] la somme globale de 5 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de la perte de jouissance, outre intérêts au taux légal.Condamner la société FONCIERE DANTES à verser à Madame [N] la somme globale de 11 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de la perte de chance, outre intérêts au taux légal.Condamner la société FONCIERE DANTES à verser à Madame [N] la somme globale de 3 600 euros au titre de l’article 700 du CPC.Condamner la société FONCIERE DANTES aux dépens comprenant l’ensemble des frais d’huissier et les procès-verbaux de constat.Ordonner l’exécution provisoire du jugement à venir.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 26 juillet 2023, la société la société FONCIERE DANTES demande au tribunal, au visa des articles 1231-1 et suivants, 1646-1 et 1792 du Code civil de :

Débouter Madame [J] [N] de l’ensemble de ses demandes et prétentions.Condamner Madame [J] [N] à verser à la société FONCIERE DANTES une somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civileLa condamner aux entiers dépens.L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 septembre 2023 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 22 avril 2024 à 14h 15.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties visées ci-dessus pour un exposé détaillé des moyens de droit et de fait développés au soutien de leurs prétentions, qui sont succinctement présentés ci-après.

Décision du 19 Décembre 2024

2ème chambre

N° RG 22/07635 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWXEQ

MOTIFS DE LA DECISION

Il sera rappelé à titre liminaire que les demandes des parties tendant à voir « dire et juger » ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile dès lors qu’elles ne confèrent pas de droits spécifiques à la partie qui les requiert. Elles ne donneront en conséquence pas lieu à mention au dispositif.

Sur les demandes de dommages et intérêts :

Madame [N] reproche à la société FONCIERE DANTES d’avoir livré l’appartement avec 332 jours de retard dont seuls 104 jours seraient justifiés, et de ne pas avoir mis en œuvre les moyens nécessaires pour lever toutes les réserves.

Elle indique que ces manquements ont généré des préjudices financiers pour un montant total de 21 562,05 puisqu’elle a dû supporter des frais d’assurance et d’intérêts de crédit, de garde-meuble et de stockage, d’huissier et d’avocats. Ces fautes ont également entraîné une perte de jouissance et une perte de chance.

La société FONCIERE DANTES conteste tout manquement contractuel, faisant valoir que le retard de livraison a pour origine des causes légitimes de suspension expressément prévues à l’article 27.1.5 de l’acte de vente (grève nationale, pandémie de coronavirus, difficultés de raccordement électrique, difficultés de raccordement au gaz, intempéries …), et que Madame [N] ne démontre aucunement les préjudices dont elle se plaint.

Elle ajoute avoir respecté ses obligations au titre de la mainlevée des réserves, rappelant que les 32 réserves effectuées par l’acquéreur sur le procès-verbal de livraison portaient principalement sur des reprises de peinture, des réglages, des vérifications et du nettoyage et ont été levées, et que les 132 réserves complémentaires concernaient des points mineurs qui ont été repris à l’exception du joint de la porte de la douche et de l’humidité de la cave.

Sur ce,

Sur le retard de livraison :

Aux termes de l’article 1231-1du Code civil, « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »

En application de l’article 1646-1 du code civil, « Le vendeur d’un immeuble à construire est tenu, à compter de la réception des travaux, des obligations dont les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage sont eux-mêmes tenus en application des articles 17921792-1 et 1792-2 du présent code ».

En l’espèce, l’article 12 de l’acte de vente en l’état futur d’achèvement signé entre les parties le 21 janvier 2020 stipule que « Le vendeur s’oblige à achever l’ensemble immobilier et à livrer les biens présentement vendus au plus tard au cours du deuxième trimestre 2020, soit le 30 juin 2020 au plus tard, sous réserve des dispositions stipulées en deuxième partie de la présente vente ».

L’article 27.1.5 mentionne que « Le délai d’achèvement , fixé en première partie du présent acte, est convenu sous réserve d’un cas de force majeure ou d’une cause légitime de suspension de délai. » Une liste non limitative de ces cas de force majeure ou de causes légitimes de suspension est ensuite proposée. Dans ces hypothèses, et selon l’article précité, « l’époque prévue pour l’achèvement des travaux serait différée d’un temps égal au double de celui pendant lequel l’événement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux, et ce pour tenir compte de la répercussion de cette suspension pour l’organisation du chantier, le cas échéant ».

Il est constant que la livraison n’est intervenue que le 28 mai 2021, soit avec un retard de 332 jours.

Il ressort des échanges de correspondances que Madame [N] a été régulièrement informée de l’état d’avancement du chantier et des causes de retard.

Au vu des justificatifs fournis, il apparait que 758 jours de retard justifié peuvent être retenus :

Grève du 05 décembre au 17 janvier 2020 : 30 jours x 2 = 60 jours Covid du 17 mars 2020 au 10 mai 2020 : 42 jours x 2 = 84 jours Intempéries : 59 jours x 2 = 118 jours Raccordement électrique du 11 mai 2020 au 13 janvier 2021 : 248 jours x 2 = 496 jours.Par suite, aucun manquement lié au retard de livraison ne peut être reproché à la société FONCIERE DANTES.

Sur les malfaçons

En application de l’article 1646-1 du code civil, « Le vendeur d’un immeuble à construire est tenu, à compter de la réception des travaux, des obligations dont les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage sont eux-mêmes tenus en application des articles 17921792-1 et 1792-2 du présent code ».

Décision du 19 Décembre 2024

2ème chambre

N° RG 22/07635 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWXEQ

Le procès-verbal de livraison du 28 mai 2021 fait état d’une liste de 32 réserves effectuées par Madame [N] qui a fait appel aux services d’un huissier de justice pour les constater.

Ultérieurement, 132 réserves complémentaires ont été faites par Madame [N].

Un nouveau constat d’état des lieux listant 42 postes de malfaçons mineures (peinture et joints à reprendre, prises à fixer joints …) a été dressé contradictoirement par huissier de justice le 29 juillet 2021 à la requête de l’acquéreur qui a par ailleurs proposé à ses frais une mesure de médiation conventionnelle qui n’a pas abouti.

La société FONCIERE DANTES ne conteste pas les 32 réserves mentionnées lors de la livraison mais dénonce les 132 réserves complémentaires en l’absence de preuve tout en reconnaissant les avoir réduites à 75 en octobre 2021.

Elle admet par ailleurs qu’il demeure un problème sur le joint de la porte de douche et la cave n° 7 qui rencontre un problème d’humidité, ce qui est confirmé par le constat d’huissier du 29 juillet 2021.

Il résulte de l’ensemble de ces observations que si les réserves qui subsistent sont mineures, Madame [N] a dû multiplier les relances et faire intervenir à deux reprises un huissier de justice afin qu’il soit remédié à la situation, étant relevé que les désordres au niveau de la cave persistent.

En livrant le bien avec autant de désordres anormaux, en manquant de diligence dans la recherche de solution de ces désordres et en laissant les désordres de la cave, la société SAS FONCIERE DANTES a commis une faute contractuelle occasionnant un préjudice financier qu’il convient de réparer par l’allocation d’une somme forfaitaire de 10 000 euros incluant la trouble de jouissance et la perte de chance de louer le bien.

Sur les demandes accessoires

La société FONCIERE DANTES qui succombe à l’instance sera condamnée aux dépens.

Elle sera également condamnée à payer à Madame [N] la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il y a enfin lieu de rappeler que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

CONDAMNE la société SAS FONCIERE DANTES à payer à Madame [J] [N] la somme de 10 000 euros de dommages intérêts en réparation de son préjudice financier ;

CONDAMNE la société SAS FONCIERE DANTES aux dépens ;

CONDAMNE la société SAS FONCIERE DANTES à payer à Madame [J] [N] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 ainsi.

RAPPELLE que le présent jugement est de droit exécutoire.

Fait et jugé à Paris le 19 Décembre 2024

La Greffière La Présidente

Adélie LERESTIF Catherine LECLERCQ RUMEAUExtraits similairesCopierSurligner