Arguments
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- Accepté – Existence de manquements de l’employeur
La cour a constaté que les manquements de l’employeur étaient établis et justifiaient la requalification de la démission en prise d’acte. - Accepté – Licenciement nul en raison de harcèlement moral
La cour a jugé que la prise d’acte produisait les effets d’un licenciement nul, entraînant le droit à une indemnité. - Accepté – Comportement fautif de l’employeur
La cour a reconnu le comportement fautif de l’employeur et a accordé des dommages-intérêts pour réparer le préjudice subi. - Accepté – Droit à l’indemnité de licenciement
La cour a jugé que la salariée avait droit à l’indemnité de licenciement en raison de la requalification de sa démission. - Accepté – Remboursement des indemnités de chômage
La cour a ordonné le remboursement des indemnités de chômage en raison de la nullité du licenciement. - Accepté – Droit aux frais irrépétibles
La cour a accordé des frais irrépétibles à la salariée, considérant qu’elle avait succombé dans ses demandes.
Sur la décision
| Référence : |
|---|
| Juridiction : | Cour d’appel de Paris |
|---|---|
| Numéro(s) : | 21/05665 |
| Importance : | Inédit |
| Décision précédente : | Conseil de prud’hommes d’Évry, 3 juin 2021 |
| Dispositif : | Autre |
| Date de dernière mise à jour : | 12 avril 2025 |
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Sur les parties
| Avocat(s) : |
|---|
Texte intégral
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 6
ARRET DU 04 DECEMBRE 2024
(n°2024/ , 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/05665 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD5LG
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Juin 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’EVRY – RG n°
APPELANTE
Madame [E] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Catherine SCHLEEF, avocat au barreau de PARIS, toque : C1909
INTIMEE
Fondation DIACONESSES DE REUILLY Prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Claire MATHURIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0066
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane THERME, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et de la formation
Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Gisèle MBOLLO
ARRET :
— Contradictoire
— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
— signé par Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et par Gisèle MBOLLO, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
La fondation Diaconesses de Reuilly a engagé Mme [E] [Z] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 janvier 2017 en qualité d’employée administrative, pour une durée hebdomadaire de 8,75 heures.
Par avenant du 07 février 2019, Mme [Z] est devenue secrétaire de direction, à temps plein.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l’hospitalisation privée à but non lucratif.
La fondation Diaconesses occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
Par lettre notifiée le 13 octobre 2020, Mme [Z] a notifié sa démission à son employeur.
Par requête parvenue au greffe le 26 novembre 2020, Mme [Z] a saisi le conseil de prud’hommes d’Evry-Courcouronnes pour voir requalifier sa démission en prise d’acte et former des demandes de dommages-intérêts.
Par jugement du 3 juin 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes a rendu la décision suivante :
«REJETTE la demande de requalification de la démission de Mme [Z] en prise d’acte de la rupture aux torts de son employeur,
DEBOUTE Mme [Z] de l’intégralité de ses demandes,
NE FAIT PAS DROIT à la demande à titre reconventionnel de la Fondation Diaconesse de Reuilly sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
LAISSE à chaque partie la charge de ses éventuels dépens. »
Mme [Z] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 26 juin 2021.
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 14 février 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l’exposé des moyens, Mme [Z] demande à la cour de :
«- INFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Et par conséquence,
— DIRE ET JUGER Madame [Z] recevable et bien fondée en ses demandes,
— REQUALIFIER la démission en prise d’acte de rupture aux torts de l’employeur produisant les effets d’un licenciement nul et /ou sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence,
— CONDAMNER la fondation Diaconesses de REUILLY au paiement de la somme de 11 949,36 € pour licenciement nul et / ou sans cause réelle et sérieuse,
— CONDAMNER la fondation Diaconesses REUILLY au paiement la somme de 11 949,36 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
— CONDAMNER la fondation Diaconesses REUILLY au paiement la somme de 1 867,09 € à titre d’indemnité de licenciement,
— CONDAMNER la fondation Diaconesses REUILLY à payer la somme de 1 000 € pour remise tardive de document conforme de fin de contrat,
— DIRE que l’ensemble des condamnations seront assorties de l’intérêt légal à compter de la présente requête et ordonner la capitalisation des intérêts,
— CONDAMNER la fondation Diaconesses REUILLY au paiement de la somme de 2 000 € à titre d’article 700 du CPC,
— CONDAMNER la fondation Diaconesses de REUILLY aux entiers dépens »
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 29 octobre 2021, auxquelles la cour se réfère expressément pour l’exposé des moyens, la fondation Diaconesses de Reuilly demande à la cour de :
« 1) A titre principal :
— Confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes d’Evry-Courcouronnes en ce qu’il a débouté Madame [Z] de l’intégralité de ses demandes.
Par conséquent,
— Juger que la démission de Madame [Z] ne peut être requalifiée en prise d’acte de rupture aux torts de la Fondation ;
— Débouter Madame [Z] de l’intégralité de ses demandes liées à la rupture du contrat de travail.
2) A titre subsidiaire :
— Limiter le montant de l’indemnité légale de licenciement à la somme de 1 120,25 € ;
— Limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 5 974,68 € ;
3) En tout état de cause :
— Débouter Madame [Z] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail ;
— Débouter Madame [Z] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la remise tardive des documents de fin de contrat ;
— Condamner Madame [Z] à la somme de 2 000 euros au titre de de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance. »
L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 juillet 2024.
MOTIFS
Sur la requalification de la démission
La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur et lorsqu’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, le juge doit l’analyser en une prise d’acte qui produit les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d’une démission.
La lettre de démission du 13 octobre 2020 a pour objet ‘Lettre de démission remise en main propre’. Elle indique : ‘Madame, je vous informe par la présente de mon intention de quitter le poste de secrétaire de direction que j’occupe depuis le 16 janvier 2017, au sein de la Fondation Diaconesses de Reuilly. La période de préavis me conduit à quitter le SAI le jeudi 12 novembre 2020. Je vous demanderai de bien vouloir prévoir, pour cette date la remise d’un reçu pour solde de tout compte, un certificat de travail ainsi qu’une attestation Pôle emploi.’
Cette lettre a été précédée d’un mail adressé le 12 octobre par Mme [Z] à un responsable de la fondation Diaconesses de Reuilly dans lequel elle indique avoir fait part de sa démission à [W], qu’elle déposera par courrier le lendemain, et poursuit ‘En ce qui concerne le préavis, il me paraît assez complexe de le réaliser au sein du SAI au vu de ce qu’il s’y est passé, [W] me conseille, notamment de le faire perdurer jusqu’à la fin de celui-ci, mon médecin ne souhaite pas non plus prolonger l’arrêt. Me confirmez vous que je dois retourner au SAI le lundi 19 octobre à 9h auprès de Mme [J] ‘ Je reste à votre disposition pour en disuter, si vous le souhaitez.’
Un échange de messages entre Mme [Z] et la responsable des ressources humaines, Mme [W] [X], fait référence à un accord pour que le préavis soit effectué par la salariée à son domicile et qu’il soit rémunéré. Cette liste de messages a été transférée par Mme [Z] au responsable de la fondation Diaconesses de Reuilly, qui lui a répondu ‘Merci de finaliser avec Mme [X] les modalités techniques de votre démission. Soyez assurée que nous mettons tout en oeuvre pour que votre départ se passe dans les meilleures conditions et qu’il n’y aura aucune ‘mauvaise surprise’ pour vous. Je peux comprendre vos questionnements mais je vous demande aussi un minimum de confiance réciproque dans nos intentions.’
Mme [Z] a fait l’objet d’un avertissement le 25 septembre 2019, qu’elle a contesté par un courrier du 06 octobre suivant dans lequel elle a demandé un entretien avec la directrice des ressources humaines, auquel elle souhaitait être accompagnée d’un représentant du personnel. L’avocat de Mme [Z] a ensuite écrit à la directrice des ressources humaines le 25 octobre 2019, pour signaler plusieurs comportements subis par Mme [Z] et indique ‘qu’elle se voit harcelée et accusée de tous les maux’.
Le 25 octobre 2020, Mme [Z] a adressé un mail à une autre salariée de la fondation Diaconesses de Reuilly, dans lequel elle fait part de sa démission et l’explique par les difficultés nombreuses et son incompréhension quant à l’absence de réaction des dirigeants et de différentes instances.
Il résulte de ces éléments que la démission de Mme [Z] est équivoque et doit ainsi être requalifiée en prise d’acte.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail est l’acte par lequel le salarié met un terme à son contrat de travail en raison de manquements qu’il impute à son employeur. Si les manquements sont établis et justifiaient la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d’un licenciement nul, à défaut elle produit les effets d’une démission.
La charge de la preuve des manquements incombe au salarié.
La juridiction doit se prononcer sur l’ensemble des griefs invoqués par le salarié.
Mme [Z] fait valoir qu’elle a subi un harcèlement moral et que l’employeur a manqué à ses obligations de sécurité et de prévention du harcèlement moral.
Sur le harcèlement moral
L’article 1152-1 du code du travail dispose que :
‘Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.’
En application de l’article L. 1154-1 du code du travail il incombe au salarié qui l’invoque de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Dans cette hypothèse, il incombera à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Mme [Z] expose avoir subi les faits suivants à compter de l’arrivée de Mme [J]:
— elle a rencontré une surcharge de travail, sa supérieure, Mme [J], lui confiant des tâches de plus en plus importantes, venait la solliciter dans son bureau très régulièrement, tout en critiquant ses interventions ;
— elle était isolée des autres salariés ;
— elle subissait une différence de traitement : sur l’octroi de ses jours de congés, sur la nécéssité d’adresser des justificatifs de sa situation, sur les remarques quant à ses horaires et ses temps de pause qui lui étaient faites alors qu’elles n’étaient pas exprimées pour les autres.
Ces faits sont établis par les attestations concordantes et circonstanciées de M. [H], qui a accompli un stage dans le service, de Mme [C], qui a été recrutée comme secrétaire comptable et a travaillé quelques temps dans le même bureau que Mme [Z], et celle de M. [M] qui était ‘homme d’entretien’. Ce dernier précise qu’il a participé au déménagement des bureaux comme cela avait été indiqué par Mme [J], qui a ensuite contesté celui-ci . Ces témoins font état des critiques vives qui étaient adressées à Mme [Z] par Mme [J] devant les autres personnes présentes.
La représentante du personnel qui a assisté Mme [Z] lors de plusieurs entretiens indique qu’une note de service fixait des horaires limités qui étaient ouverts aux autres salariés pour solliciter Mme [Z] : les mardi et jeudi de 14h à 16h. Cette personne indique avoir constaté une dégradation progressive de la situation de Mme [Z].
Mme [Z] explique avoir fait l’objet d’un avertissement le 25 septembre 2019 et produit la lettre de deux pages qui lui reproche des carences dans la réalisation de ses tâches, des tensions avec les autres membres de la structure, la remise en cause d’un chef de service et un comportement irrespectueux pour avoir jeté un document sur le bureau de celui-ci. Elle l’a contesté par un courrier circonstancié auquel était jointe une lettre circulaire indiquant une absence de comportement inapproprié de sa part qui est signée par plusieurs salariés.
Mme [Z] a demandé un entretien avec la directrice des ressources humaines, directrice qui a ensuite été saisie par son avocat.
Dans un courrier adressé à Mme [Z] le 13 décembre 2019, la directrice des ressources humaines a formalisé un compte-rendu de l’entretien qu’elles avaient eu le 27 novembre 2019. Elle y reprend l’historique de son poste, l’évolution de l’organisation de l’activité, l’apparition d’un climat tendu et les mesures envisagées pour l’avenir, notamment l’établissement d’une fiche de poste. Le courrier se termine par ‘Après notre échange, vous m’avez indiqué que vous aviez ressenti le besoin de trouver un lieu qui vous permettait d’exprimer votre ‘mal-être’. En revanche, nous avons tous convenus à l’issue de notre échange, du fait qu’il n’y avait pas de situation de harcèlement/discrimination nécessitant de diligenter une enquête.
Nous restons néanmoins sensibles au climat social du SAI et prendrons toutes les mesures avec votre directrice afin que chacun puisse trouver sa place et converger vers une organisation optimale adaptée à la prise en charge des enfants.’
La représentante du personnel qui assistait Mme [Z] lors de cet entretien a établi un courrier dans lequel elle reprend les termes de la directrice relatifs à l’absence de harcèlement ou de discrimination et poursuit son propos par :’j’indique ne pas avoir ni convenu, ni entendu aucune des personnes en présence dire que ce qu’avait rapporté Mme [Z] lors de cet entretien ne constituait pas une situation de harcèlement ou de discrimination.’
Par mail du 31 janvier 2020, Mme [Z] a indiqué que les heures supplémentaires qu’elle avait effectuées en 2019 ne lui avaient pas été payées sur son salaire de janvier, malgré un message de sa part en ce sens, ainsi qu’un remboursement de frais.
Une enquête a été diligentée par la fondation Diaconesses de Reuilly, confiée à une commission composée de membres du CSE. Mme [Z] a été entendue au cours de celle-ci, puis a reçu un courrier daté du 27 février 2020 qui lui a indiqué ‘A l’issue de cette commission d’enquête, les membres de la commission concluent qu’aucun fait de harcèlement moral n’est caractérisé. Pour autant, les membres de la commission ont été particulièrement attentifs à la situation de mal-être que vous exprimez sur votre poste actuel de travail et ont souhaité faire part de préconisations à l’employeur pour faire évoluer cette situation. C’est pourquoi je vous invite à reprendre contact avec Mme [X] afin de convenir d’un rendez-vous nous permettant d’envisager parallèlement deux recommandations de la commission d’enquête :
— les modalités d’un accompagnement spécifique afin d’améliorer votre environnement de travail pour une reprise de fonctions sur votre poste de travail actuel,
— les opportunités de mobilité sur d’autres postes de la Fondation.’
Un poste à temps partiel a ensuite été proposé à Mme [Z] par la responsable des ressources humaines, sur un site éloigné de son domicile, motifs pour lesquels il a été refusé.
Mme [Z] justifie par le courrier d’une autre salariée qu’au moment du confinement du printemps 2020 elle n’a été mise en télétravail que tardivement, contrairement à d’autres salariés. Elle indique qu’elle ne disposait pas d’un téléphone ou d’un ordinateur portable professionnel pour accomplir ses tâches.
Mme [Z] a fait l’objet d’arrêts de travail successifs à compter du 16 juin jusqu’au 16 octobre 2020. Elle produit l’attestation de son médecin traitant qui indique une symptomatologie dépressive depuis plusieurs mois et une attestation de suivi psychologique.
Mme [C] atteste des répercussions du comportement de leur supérieure hiérarchique directe sur l’état de santé de Mme [Z], qui était ‘stressée, déprimée et isolée’. Après l’enquête qui a été diligentée par l’employeur, ce témoin a établi un complément à son attestation dans lequel elle conteste le sérieux et l’impartialité de l’enquête et précise ‘Mme [J] ne voulait plus de Mme [Z], elle cherchait à la faire démissionner.’ Elle ajoute:
— qu’elle-même pouvait prendre des pauses sans subir de remarque de Mme [J], à la différence de Mme [Z],
— que Mme [Z] a fini par obtenir deux jours de télétravail alors que les autres assistantes étaient en télétravail complet.
Lors de la visite de reprise du 19 octobre 2020 le médecin du travail n’a pas mentionné d’avis, indiquant dans le document ‘pas de conclusion professionnelle’.
Pris dans leur ensemble, les éléments de fait présentés par Mme [Z] laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral.
La fondation Diaconesses de Reuilly explique que le comportement de Mme [Z] faisait l’objet de critiques quant à l’exécution de ses tâches, alors qu’elle occupait un rôle central en lien avec différents intervenants.
Dans le cadre de son audition devant la commission d’enquête Mme [J] et M. [O], chef de service, ont tous deux fait part de difficultés croissantes et du comportement de Mme [Z] qui était difficile à gérer, ayant reçu des plaintes d’autres salariés.
L’avertissement qui a été prononcé mentionne un fait précis, en plus du comportement professionnel, qui est d’avoir jeté un document sur le bureau d’un chef de service. Ce fait ne résulte pas des pièces produites par l’intimée et le cadre concerné par l’incident, M. [O], ne l’a pas rapporté lors de son audition par la commission.
La fondation Diaconesses de Reuilly produit l’échange des mails entre Mme [Z] et la responsable des ressources humaines qui est relatif aux heures supplémentaires non payées en janvier 2020. Cette dernière fait justement observer que la demande de paiement de la salariée, et non d’une récupération, n’était pas très claire et lui indique que la somme sera versée le mois suivant.
L’intimée explique le refus qui a été opposé à Mme [Z] d’une prolongation de ses congés à la fin du mois d’août 2019 était justifié par la nécessité qu’elle soit présente dans la structure pour la validation des éléments de paye, sans produire d’élément qui le démontrerait.
L’intimée fait état du propos de Mme [C] lors de l’enquête, qui a indiqué ne pas avoir été témoin direct de certains comportements subis par Mme [Z] qui lui ont seulement été rapportés. Mme [C] a cependant renouvelé le contenu de sa première attestation versée par Mme [Z] dans un courrier complémentaire en signalant que l’enquête diligentée n’avait pas été sérieuse et n’avait pas repris tout ce qui avait été dit. En outre, elle a expressément fait part dans ce complément de la différence de traitement des demandes de congés de la part de Mme [J] concernant Mme [Z] et de remarques qu’elle lui faisait concernant les horaires. D’autres salariés, ont fait état de propos inadaptés tenus par Mme [J] à Mme [Z], notamment sur sa tenue ou de reproches tenus en public sur ses horaires d’arrivée, ou ‘d’injustice’, sans élément contraire produit par l’employeur à ce sujet.
Lors de la commission d’enquête, plusieurs chefs de service font état de difficultés d’organisation et de communication rencontrées avec Mme [Z], et de réunions qui ont été organisées pour clarifier les rôles de chacun, ce qui ne justifie pas les comportements de sa supérieure à son encontre.
La fondation Diaconesses de Reuilly explique avoir recruté une autre personne, une secrétaire comptable, pour alléger la charge de travail de Mme [Z].
L’employeur expose qu’il a été demandé à Mme [Z] de lister les différentes tâches qu’elle accomplissait, afin d’envisager une autre organisation, ce qui résulte des courriers produits, mais que cela n’a pas été fait par la salariée.
La fondation Diaconesses de Reuilly justifie que l’accord sur le télétravail n’a été mis en place que tardivement, le dispositif étant du 18 décembre 2020, mais sans produire d’élément relatif au traitement de la situation de l’ensemble des salariés pendant le confinement ni sur les moyens mis à leur disposition.
L’intimée souligne que lors de la visite médicale de reprise du 06 mars 2020 le médecin du travail a mentionné ‘la salariée peut reprendre son travail’ sans former de réserve à cette occasion. Ce praticien a cependant prévu de revoir la salariée avant le 08 avril 2020 et la rédaction différente de l’avis du 19 octobre 2020, établi par le même médecin, démontre une évolution de la situation.
La fondation Diaconesses de Reuilly produit plusieurs attestations de la responsable des ressources humaines qui exposent que plusieurs entretiens ont eu lieu avec Mme [Z] et Mme [J] au mois de mars 2020 pour :
— lui proposer un autre poste, qu’elle a refusé en raison de l’éloignement,
— s’assurer des conditions de sa reprise,
— établir une fiche de poste,
— assurer un suivi des relations avec sa supérieure directe.
Lors du dernier entretien du 13 mars 2020, qui a eu lieu par téléphone, la responsable des ressources humaines a noté sur le compte-rendu que selon Mme [Z] les relations s’étaient apaisées.
De nouvelles difficultés sont cependant apparues par la suite et Mme [Z] a fait l’objet d’arrêts de travail successifs.
En définitive, l’un des motifs de l’avertissement qui a été prononcé, la différence de traitement de Mme [Z] par rapport aux autres salariés quant à ses prises de congés, ses horaires et les modalités de télétravail, les remarques relatives à ses horaires et à ses pauses et la teneur de propos qui lui ont été adressés par sa supérieure ne sont pas justifiés par des éléments objectifs produits par la fondation Diaconesses de Reuilly.
L’employeur ne prouve pas que les comportements de la supérieure hiérarchique de Mme [Z] à son égard étaient justifiés par des éléments étrangers à tout harcèlement moral. En conséquence, le harcèlement moral de Mme [Z] est établi.
Sur le manquement de l’employeur à son obligation de prévention
L’article L. 4121-1 du code du travail dispose que ‘L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adéquation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.’
L’article L. 1152-4 du code du travail dispose que : ‘L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.’
La fondation Diaconesses de Reuilly a été formellement saisie de la situation de Mme [Z] à plusieurs reprises : par la demande de la salariée de rencontrer la directrice des ressources humaines en étant accompagnée d’un représentant du personnel, puis par deux courriers de son avocat.
Après l’entretien, la directrice des ressources humaines a adressé à Mme [Z] un courrier du 13 décembre 2019 pour formaliser le contenu de l’échange, et l’aviser de mesures devant permettre une amélioration : la finalisation d’une fiche de poste et une modification de l’organisation de l’activité. Le propos de la directrice qu’il avait été convenu, par tous, d’une absence de situation de harcèlement ou de discrimination est expressément remis en cause par la salariée et par la représentante du personnel présente qui déclare que cela n’a pas été prononcé au cours de l’entretien. Le contenu de ce courrier de la directrice révèle que la situation de Mme [Z] n’a pas été appréhendée correctement par l’employeur.
Une enquête n’a été confiée à une commission qu’après la saisine de la directrice des ressources humaines par l’avocat de Mme [Z].
Cette commission a conclu ‘les auditions n’ont pas permis de corroborer les accusations de Mme [Z] concernant les faits présentés, à savoir :
— un comportement discriminatoire de la part de Mme [J] à son égard ;
— des actes pouvant constituer un harcèlement moral’.
Cependant, les auditions de plusieurs salariés qui sont jointes au compte-rendu d’enquête font bien état de plusieurs comportements spécifiques à l’égard de Mme [Z], propos et différences de traitement, qui justifiaient qu’il y soit mis fin.
A son retour d’arrêt maladie au mois de mars 2020, Mme [Z] est demeurée dans le service alors qu’elle avait exprimé son appréhension auprès de la responsable des ressources humaines, ce qui résulte du premier compte-rendu établi par cette dernière. La proposition d’un autre poste qui a été faite à Mme [Z] sur un poste éloigné de son domicile et à temps partiel n’est pas contestée, mais elle n’est pas établie par les éléments versés aux débats. Aucune autre démarche n’est justifiée par l’employeur et Mme [Z] est demeurée dans le même service, sous l’autorité de la même supérieure, jusqu’à la date de sa démission.
En définitive, la fondation Diaconesses de Reuilly ne démontre pas qu’elle a pris toutes les mesures destinées à préserver l’état de santé de sa salariée et à préserver les agissements de harcèlement moral.
Les manquements de l’employeur à son obligation de sécurité et à son obligation de préserver Mme [Z] de faits de harcèlement moral sont ainsi établis.
Le harcèlement moral subi par Mme [Z] et les manquements de l’employeur à ses obligations de sécurité et de préserver Mme [Z] d’agissements de harcèlement moral sont établis. Ils se poursuivaient et étaient suffisamment graves pour justifier la démission de la salariée, qui a expliqué sa décision auprès d’une autre salariée par les nombreuses difficultés rencontrées et par l’absence d’évolution de sa situation.
La démission de Mme [Z], requalifiée en prise d’acte, était ainsi justifiée par les manquements de l’employeur.
L’article L. 1152-3 du code du travail dispose que : ‘Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.’
Le manquement de la fondation Diaconesses de Reuilly consistant notamment en un harcèlement moral subi par Mme [Z], la prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les conséquences financières
Mme [Z] est fondée à obtenir le paiement de l’indemnité de licenciement. Si elle percevait en dernier lieu un revenu mensuel de 1 991,56 euros, la fondation Diaconesses de Reuilly fait justement valoir qu’elle a d’abord exercé à temps partiel pendant deux années et qu’il y a lieu d’en tenir compte conformément à l’article L. 3123-5 du code du travail.
La fondation Diaconesses de Reuilly sera ainsi condamnée à payer à Mme [Z] la somme de 1 120,25 euros au titre de l’indemnité de licenciement.
L’article L. 1235-3-1 dispose que : ‘L’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :
1° La violation d’une liberté fondamentale ;
2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ;
3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ;
4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l’article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ;
5° Un licenciement d’un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l’exercice de son mandat ;
6° Un licenciement d’un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.
L’indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu’il est dû en application des dispositions de l’article L. 1225-71 et du statut protecteur dont bénéficient certains salariés en application du chapitre Ier du Titre Ier du livre IV de la deuxième partie du code du travail, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l’indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.’
Compte tenu du salaire perçu par Mme [Z], la fondation Diaconesses de Reuilly sera condamnée à lui payer la somme de 11 949,36 euros au titre de l’indemnité pour licenciement nul.
Le jugement sera infirmé de ces chefs.
En application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail la fondation Diaconesses de Reuilly doit être condamnée à rembourser à France travail les indemnités de chômage payées entre le jour du licenciement et le jugement, dans la limite de six mois.
Il sera ajouté au jugement.
Mme [Z] forme une demande de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail, qu’elle explique dans la partie de ses conclusions relatives à la discussion par le harcèlement moral subi et le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Le comportement fautif de l’employeur est établi et le préjudice ainsi subi par la salariée sera réparé par la condamnation de la fondation Diaconesses de Reuilly à lui verser la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la remise des documents de fin de contrat
Mme [Z] explique que l’attestation destinée à Pôle emploi était erronée en ce qu’elle mentionnait les mois de juin à octobre 2020, période au cours de laquelle elle était en arrêt de travail, outre une colonne ‘observations en cas de variation significative des salaires’ qui n’était pas remplie.
La fondation Diaconesses de Reuilly justifie avoir transmis un document rectifié le 21 janvier 2021 et fait justement valoir qu’aucun préjudice consécutif n’est établi par l’appelante.
Mme [Z] sera déboutée de sa demande.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les intérêts
Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes, et les dommages-intérêts alloués à compter de la présente décision.
La capitalisation des intérêts sera ordonnée selon les dispositions de l’article 1343-2 du code civil par année entière.
Sur les dépens et frais irrépétibles
La fondation Diaconesses de Reuilly qui succombe supportera les dépens de première instance et d’appel et la charge de ses frais irrépétibles et sera condamnée à verser à Mme [Z] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La cour,
Infirme le jugement du conseil de prud’hommes, sauf en ce qu’il a débouté Mme [Z] de sa demande de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat et a débouté la fondation Diaconesses de Reuilly de sa demande au titre des frais irrépétibles,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Requalifie la démission de Mme [Z] en prise d’acte,
Juge que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul,
Condamne la fondation Diaconesses de Reuilly à payer à Mme [Z] les sommes suivantes :
— 11 949,36 euros au titre de l’indemnité pour licenciement nul,
— 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
Dit que les créances salariales sont assorties d’intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et les dommages-intérêts alloués à compter de la présente décision, avec capitalisation des intérêts selon les dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
Ordonne à la fondation Diaconesses de Reuilly de rembourser à France travail les indemnités de chômage versées à Mme [Z] , du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de six mois des indemnités versées,
Condamne la fondation Diaconesses de Reuilly aux dépens de première instance et d’appel,
Condamne la fondation Diaconesses de Reuilly à payer à Mme [Z] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la fondation Diaconesses de Reuilly de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente
