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Droit immobilier

Tribunal Judiciaire de Paris, 2e chambre 2e section, 19 décembre 2024, n° 22/07635

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS

2ème chambre

N° RG 22/07635

N° Portalis 352J-W-B7G-CWXEQ

N° MINUTE :

Assignation du :

14 Juin 2022

JUGEMENT

rendu le 19 Décembre 2024

DEMANDERESSE

Madame [J] [N]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Maître Catherine SCHLEEF, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C1909

DÉFENDERESSE

La société FONCIERE DANTES

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Maître Sabine DU GRANRUT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #K0190

Décision du 19 Décembre 2024

2ème chambre

N° RG 22/07635 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWXEQ

* * *

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Catherine LECLERCQ RUMEAU, 1ère Vice-présidente, statuant en juge unique.

assistée de Madame Audrey HALLOT, greffière lors de l’audience et de Adélie LERESTIF, Greffière lors de la mise à disposition.

DÉBATS

A l’audience du 22 Avril 2024, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 27 juin 2024, ultérieurement prorogé au 19 Décembre 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoire et en premier ressort

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCEDURE

Par acte en date du 21 janvier 2020 reçu par Maître [W] [F], notaire à [Localité 4] au sein de la SAS C§C Notaires, la société FONCIERE DANTES a vendu à Madame [J] [N] en l’état futur d’achèvement un appartement constitué des lots n°12 et 20 d’un ensemble immobilier situé [Adresse 3] à [Localité 5].

Le prix de vente était de 415 000 euros payable comptant à concurrence de 145 250 euros, et le solde en trois fractions échelonnées au fur et à mesure de l’avancée des travaux.

L’appartement dont la livraison devait intervenir le 30 juin 2020 au plus tard, a été réceptionné le 28 mai 2021 avec de nombreuses réserves.

Dénonçant le retard dans la livraison et la persistance de malfaçons en dépit de multiples relances et d’une tentative de médiation, Madame [N] a, par exploit d’huissier de justice en date du 14 Juin 2022 a fait assigner la société SAS FONCIERE DANTES devant le tribunal judiciaire de Paris en paiement de dommages et intérêts.

Décision du 19 Décembre 2024

2ème chambre

N° RG 22/07635 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWXEQ

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 29 mai 2023, Madame [J] [N] demande au tribunal, au visa des articles 1147161116161619 et 1623 du Code civil, et des articles R 111-2L 261-11R 261-13 et R 261-25 du Code de la construction et de l’habitation, de :

Juger que la société FONCIERE DANTES a manqué à son obligation contractuelle de délivrance à l’encontre de Madame [N], et en conséquence :Condamner la société FONCIERE DANTES à verser à Madame [N] la somme globale de 21 562,05 euros à titre de dommages intérêt en réparation des préjudices financiers subis, outre intérêts au taux légal.Condamner la société FONCIERE DANTES à verser à Madame [N] la somme globale de 5 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de la perte de jouissance, outre intérêts au taux légal.Condamner la société FONCIERE DANTES à verser à Madame [N] la somme globale de 11 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de la perte de chance, outre intérêts au taux légal.Condamner la société FONCIERE DANTES à verser à Madame [N] la somme globale de 3 600 euros au titre de l’article 700 du CPC.Condamner la société FONCIERE DANTES aux dépens comprenant l’ensemble des frais d’huissier et les procès-verbaux de constat.Ordonner l’exécution provisoire du jugement à venir.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 26 juillet 2023, la société la société FONCIERE DANTES demande au tribunal, au visa des articles 1231-1 et suivants, 1646-1 et 1792 du Code civil de :

Débouter Madame [J] [N] de l’ensemble de ses demandes et prétentions.Condamner Madame [J] [N] à verser à la société FONCIERE DANTES une somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civileLa condamner aux entiers dépens.L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 septembre 2023 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 22 avril 2024 à 14h 15.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties visées ci-dessus pour un exposé détaillé des moyens de droit et de fait développés au soutien de leurs prétentions, qui sont succinctement présentés ci-après.

Décision du 19 Décembre 2024

2ème chambre

N° RG 22/07635 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWXEQ

MOTIFS DE LA DECISION

Il sera rappelé à titre liminaire que les demandes des parties tendant à voir « dire et juger » ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile dès lors qu’elles ne confèrent pas de droits spécifiques à la partie qui les requiert. Elles ne donneront en conséquence pas lieu à mention au dispositif.

Sur les demandes de dommages et intérêts :

Madame [N] reproche à la société FONCIERE DANTES d’avoir livré l’appartement avec 332 jours de retard dont seuls 104 jours seraient justifiés, et de ne pas avoir mis en œuvre les moyens nécessaires pour lever toutes les réserves.

Elle indique que ces manquements ont généré des préjudices financiers pour un montant total de 21 562,05 puisqu’elle a dû supporter des frais d’assurance et d’intérêts de crédit, de garde-meuble et de stockage, d’huissier et d’avocats. Ces fautes ont également entraîné une perte de jouissance et une perte de chance.

La société FONCIERE DANTES conteste tout manquement contractuel, faisant valoir que le retard de livraison a pour origine des causes légitimes de suspension expressément prévues à l’article 27.1.5 de l’acte de vente (grève nationale, pandémie de coronavirus, difficultés de raccordement électrique, difficultés de raccordement au gaz, intempéries …), et que Madame [N] ne démontre aucunement les préjudices dont elle se plaint.

Elle ajoute avoir respecté ses obligations au titre de la mainlevée des réserves, rappelant que les 32 réserves effectuées par l’acquéreur sur le procès-verbal de livraison portaient principalement sur des reprises de peinture, des réglages, des vérifications et du nettoyage et ont été levées, et que les 132 réserves complémentaires concernaient des points mineurs qui ont été repris à l’exception du joint de la porte de la douche et de l’humidité de la cave.

Sur ce,

Sur le retard de livraison :

Aux termes de l’article 1231-1du Code civil, « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »

En application de l’article 1646-1 du code civil, « Le vendeur d’un immeuble à construire est tenu, à compter de la réception des travaux, des obligations dont les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage sont eux-mêmes tenus en application des articles 17921792-1 et 1792-2 du présent code ».

En l’espèce, l’article 12 de l’acte de vente en l’état futur d’achèvement signé entre les parties le 21 janvier 2020 stipule que « Le vendeur s’oblige à achever l’ensemble immobilier et à livrer les biens présentement vendus au plus tard au cours du deuxième trimestre 2020, soit le 30 juin 2020 au plus tard, sous réserve des dispositions stipulées en deuxième partie de la présente vente ».

L’article 27.1.5 mentionne que « Le délai d’achèvement , fixé en première partie du présent acte, est convenu sous réserve d’un cas de force majeure ou d’une cause légitime de suspension de délai. » Une liste non limitative de ces cas de force majeure ou de causes légitimes de suspension est ensuite proposée. Dans ces hypothèses, et selon l’article précité, « l’époque prévue pour l’achèvement des travaux serait différée d’un temps égal au double de celui pendant lequel l’événement considéré aurait mis obstacle à la poursuite des travaux, et ce pour tenir compte de la répercussion de cette suspension pour l’organisation du chantier, le cas échéant ».

Il est constant que la livraison n’est intervenue que le 28 mai 2021, soit avec un retard de 332 jours.

Il ressort des échanges de correspondances que Madame [N] a été régulièrement informée de l’état d’avancement du chantier et des causes de retard.

Au vu des justificatifs fournis, il apparait que 758 jours de retard justifié peuvent être retenus :

Grève du 05 décembre au 17 janvier 2020 : 30 jours x 2 = 60 jours Covid du 17 mars 2020 au 10 mai 2020 : 42 jours x 2 = 84 jours Intempéries : 59 jours x 2 = 118 jours Raccordement électrique du 11 mai 2020 au 13 janvier 2021 : 248 jours x 2 = 496 jours.Par suite, aucun manquement lié au retard de livraison ne peut être reproché à la société FONCIERE DANTES.

Sur les malfaçons

En application de l’article 1646-1 du code civil, « Le vendeur d’un immeuble à construire est tenu, à compter de la réception des travaux, des obligations dont les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage sont eux-mêmes tenus en application des articles 17921792-1 et 1792-2 du présent code ».

Décision du 19 Décembre 2024

2ème chambre

N° RG 22/07635 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWXEQ

Le procès-verbal de livraison du 28 mai 2021 fait état d’une liste de 32 réserves effectuées par Madame [N] qui a fait appel aux services d’un huissier de justice pour les constater.

Ultérieurement, 132 réserves complémentaires ont été faites par Madame [N].

Un nouveau constat d’état des lieux listant 42 postes de malfaçons mineures (peinture et joints à reprendre, prises à fixer joints …) a été dressé contradictoirement par huissier de justice le 29 juillet 2021 à la requête de l’acquéreur qui a par ailleurs proposé à ses frais une mesure de médiation conventionnelle qui n’a pas abouti.

La société FONCIERE DANTES ne conteste pas les 32 réserves mentionnées lors de la livraison mais dénonce les 132 réserves complémentaires en l’absence de preuve tout en reconnaissant les avoir réduites à 75 en octobre 2021.

Elle admet par ailleurs qu’il demeure un problème sur le joint de la porte de douche et la cave n° 7 qui rencontre un problème d’humidité, ce qui est confirmé par le constat d’huissier du 29 juillet 2021.

Il résulte de l’ensemble de ces observations que si les réserves qui subsistent sont mineures, Madame [N] a dû multiplier les relances et faire intervenir à deux reprises un huissier de justice afin qu’il soit remédié à la situation, étant relevé que les désordres au niveau de la cave persistent.

En livrant le bien avec autant de désordres anormaux, en manquant de diligence dans la recherche de solution de ces désordres et en laissant les désordres de la cave, la société SAS FONCIERE DANTES a commis une faute contractuelle occasionnant un préjudice financier qu’il convient de réparer par l’allocation d’une somme forfaitaire de 10 000 euros incluant la trouble de jouissance et la perte de chance de louer le bien.

Sur les demandes accessoires

La société FONCIERE DANTES qui succombe à l’instance sera condamnée aux dépens.

Elle sera également condamnée à payer à Madame [N] la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il y a enfin lieu de rappeler que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

CONDAMNE la société SAS FONCIERE DANTES à payer à Madame [J] [N] la somme de 10 000 euros de dommages intérêts en réparation de son préjudice financier ;

CONDAMNE la société SAS FONCIERE DANTES aux dépens ;

CONDAMNE la société SAS FONCIERE DANTES à payer à Madame [J] [N] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 ainsi.

RAPPELLE que le présent jugement est de droit exécutoire.

Fait et jugé à Paris le 19 Décembre 2024

La Greffière La Présidente

Adélie LERESTIF Catherine LECLERCQ RUMEAUExtraits similairesCopierSurligner